Les histoires commencent souvent par une rencontre. Nous étions à Kuala Lumpur, dans un boui-boui, lorsque nous avons engagé la conversation avec notre voisin de table, un Canadien (détail inutile qui n’interviendra aucunement dans la suite de l’histoire). Deux infos sont rapidement ressorties de notre échange: il connaissait très bien l’Inde pour y avoir voyagé à de nombreuses reprises, et, de toutes les régions de l’Inde, le Sikkim était son coup de coeur. Notre décision était prise: nous irons au Sikkim.
Une semaine plus tard, nous poussions la porte de la « Sikkim house » à Kolkata. L’entrée du Sikkim est strictement contrôlée: nous avons du solliciter un permis spécial à Kolkata, avant de nous présenter à la frontière du Sikkim avec nos passeports qui ont reçu, pour l’occasion, un nouveau tampon (bien que nous soyons toujours en Inde…). Nos noms et prénoms complets (ce qui, pour Julien, est significatif: il en a 6 et cela semble poser de gros problèmes à la bureaucratie indienne) ont été reportés dans d’immenses registres qui seront contrôlés à notre sortie de la région. Bref… le Sikkim est une véritable forteresse. Et soyons heureux d’être Européens: la région est complètement fermée aux ressortissants de certains pays (dont des pays proches comme le Bangladesh et le Pakistan, et des états plus lointains comme… le Nigéria).
Pourquoi? Le Sikkim est une région stratégique, prise en tenaille entre le Népal à l’est, le Bhoutan à l’ouest et le Tibet au nord. D’abord royaume indépendant, le Sikkim a ensuite été placé, sous les pressions antagonistes de ses voisins, sous protectorat indien, avant de devenir un état à part entière de l’Inde en 1975. La population du Sikkim est un curieux mélange de réfugiés tibétains, de népalais et de bhoutanais et de sikkimais. Ici on ne parle pas l’hindi, mais les dialectes de ces quatre groupes ethniques. A plusieurs reprises, nous nous sommes dit que « nous n’étions pas en Inde ». Et pourtant, si…
Nous n’avions pas prévu de faire arrêt dans la capitale du Sikkim, qui nous avait été décrite comme une « jungle of concrete ». Le sort en a décidé autrement: nous avons appris à nos dépens que les déplacements en jeep partagée sont impossibles après 16h. Arrivés à Gangtok à l’heure ou tout transport collectif est exclu, nous avons décidé de passer une nuit dans la capitale.
Un peu dépités par les prix des logements, nous avons opté pour deux lits dans un dortoir… qui s’est avéré être complètement vide. De notre « chambre double » improvisée, nous avons pu admirer le coucher du soleil, et puis les lumières de la ville, la nuit, qui ressemblaient à s’y méprendre à des centaines d’étoiles.
Nous avons profité de cet arrêt imprévu pour visiter les quelques monastères de Gangtok (Phurba Chorten et le monastère d’Enchey), ainsi que l’Institut de recherches en tibétologie (qui contient une impressionnante collection d’objets tibétains, la plupart offerts par des réfugiés).
Nous l’avons vite compris: les attractions touristiques dans le Sikkim sont principalement des monastères. Leur particularité réside dans les différents courants du Bouddhisme qu’ils incarnent.
A Rumtek, à une vingtaine de kilomètres de Gangtok, se situe le principal siège de la lignée « Karma Kagyu », fondée au douzième siècle au Tibet. Lors de l’invasion du Tibet par la Chine, le haut représentant de la lignée a trouvé refuge à Rumtek. Le monastère est aujourd’hui encore sous surveillance militaire. Les uniformes rougeâtres des moines se marient étrangement avec le kaki des uniformes des soldats indiens. Cette présence militaire exclue, le monastère dégage une atmosphère plutôt paisible.
Il nous faut pourtant quitter les lieux… Nous avons un germe de projet de randonnée à arroser : c’est reparti pour le bal de jeeps à destination de Ravangla !