Au fur et à mesure du voyage, nous comptons de plus en plus sur notre capacité à improviser. C’est ainsi que nous sommes partis en rando vers le volcan El Altar. Julien avait vaguement recueilli quelques infos sur internet, qu’il avait ensuite griffonnées sur un bout de papier. Cette feuille A4, pliée en 8, constituait notre unique guide de voyage pour les prochains jours.
Heureusement, nous avons pu compter sur l’amabilité sans faille des Équatoriens pour nous indiquer quels bus prendre de Riobamba à La Candelaria, point de départ de la rando. Nous avons également pu compter sur leurs conseils pour débusquer un endroit où planter notre maison portable, en attendant de nous lancer à la conquête du volcan le jour suivant. Unanimement, ils nous ont désigné un carré de pelouse situé à coté du bâtiment inoccupé du ministère du tourisme. Le petit plus : nous avions des sanitaires, de l’eau courante, et de la lumière, aux frais de la princesse !
Le lendemain, les choses sérieuses, et même très sérieuses, ont commencé. Ça montait sec ! Au beau milieu de cette ascension de plus de cinq heures, Julien a déplié son « guide de voyage » pour constater qu’en effet, El Altar est le cinquième plus haut volcan d’Équateur. Ceci expliquait donc cela…
Sur le chemin, il n’y avait personne, à part des chevaux, des vaches et des oiseaux multicolores.
Même le refuge situé dans la plaine faisant face au volcan était désert. L’ensemble de bâtiments ressemblait à un village fantôme. Un rapide coup d’œil par une fenêtre a confirmé nos premières impressions: des centaines de vers se battaient sur une peau de vache encerclée de sang séché, et les sanitaires n’étaient qu’un ramassis de boues (ou autre), devenu le terrain de jeu d’insectes variés.
Nous avons rapidement foutu le camp, pour le monter (notre camp), de l’autre côté de la plaine.
Le chemin jusque là n’était pas aisé. En effet, la plaine est creusée par des dizaines de petits cours d’eau, issus des glaciers et cascades des montagnes environnantes. Nos chaussures n’ont pas résisté à l’idée de se rafraîchir dans ces mini-rivières (un pas de travers et nous nous enfoncions de plusieurs centimètres dans ce gigantesque marécage). Les choses se sont compliquées lorsque nos pantalons ont eu la même envie… (le niveau de l’eau était supérieur à celui de nos genoux). Nous avons fini par traverser l’ultime cours d’eau en petite tenue !
Et tant que nous y étions, nous avons sorti la bassine, le savon écologique et avons pris notre courage à deux mains pour prendre une douche nature dans cette eau glacée. Après quoi, nous nous sommes glissé dans nos sacs de couchage, et avons joué à « mots-mêlés » pendant des heures, avant de nous endormir en nous disant que ce style de vie-là, nous l’adorons !
Ce que nous avons nettement moins adoré, c’est de nous perdre le lendemain dans une végétation très dense, où chaque pas était un exploit en soi. Le chemin vers la lagune du volcan n’était pas indiqué, et comme il n’y avait pas âme qui vive dans le coin, personne ne put nous renseigner. Quant à notre feuille A4, elle ne contenait aucune information sur le sujet.
Au bout d’une heure et demi, Julien a repéré un chemin sur la crête, et au prix de quelques efforts supplémentaires, nous avons rejoint le sommet.
Les notes de Julien précisaient qu’il y avait plusieurs lagunes dans le coin. Après s’être reposés quelques minutes, nous avons donc continué notre exploration. Nous ignorions la direction à prendre, et avons emprunté un sentier qui s’est révélé être l’œuvre d’animaux, et non de l’Homme. Nous avons cherché en vain d’autres lacs, escaladant les montagnes pour avoir une meilleure vue.
La seule chose que nous ayons trouvée est de la neige, encore de la neige, et toujours de la neige. Nous ignorions notre altitude, mais une chose était certaine, nous étions haut, très haut !
Plus tard, en redescendant vers la vallée, nous avons croisé deux touristes (des Belges – nous défions toutes les statistiques! Voir nos rencontres à Cuenca). Elles nous ont informé qu’il n’y avait pas d’autre lagune de ce coté de la montagne, ce qui expliquait l’échec de nos recherches.
Encouragés à l’idée de retrouver notre carré de pelouse à côté du bâtiment du ministère du tourisme, nous avons enchaîné ce jour-là près de 9h de marche. Un autre élément renforçait notre motivation : nous savions qu’il était possible d’acheter, à La Candelaria, du fromage frais et du lait tout droit sorti du pis de la vache. Ces choses simples nous semblaient être de vrais trésors, qui justifiaient un réveil à 6h du matin pour replier la tente et rejoindre la « maison à la porte bleue » (en réalité la laiterie) du village.
Le fermier, amusé par notre démarche, nous a fait entrer dans sa maison pour nous expliquer le mode de fabrication du fromage. Nous sommes repartis avec notre lait, tout chaud et non pasteurisé.
Moins d’une demi-heure plus tard, il frétillait dans notre casserole, avec l’avoine, les pommes et la cannelle. Un petit-déjeuner de roi !
Ce trek aura été un vrai retour aux sources, aux choses simples, au plaisir de confirmer que l’on peut vivre avec un rien, et avoir l’impression de tout posséder.