Cela va bientôt faire un mois que nous sommes au Pérou. Et à bien regarder la carte du pays, nous ne sommes environ qu’à la moitié du trajet vers l’Equateur. Nous nous rendons compte des immenses richesses et possibilités touristiques du Pérou. Il va falloir que l’on se fasse à l’idée que nous ne pourrons pas tout faire. Nous décidons de donner un coup d’accélérateur et de prendre un bus de nuit pour l’inévitable Lima, la capitale du pays. Nous allons, après de nombreuses semaines, nous retrouver au niveau de la mer !
Lima… Ville de 10 millions d’habitants, presque autant que notre petite Belgique, 1/3 de la population péruvienne : cela en fait la 5ème plus grosse ville d’Amérique du Sud ! On nous met évidemment en garde concernant la sécurité dans la capitale. On commence à être habitués aux avertissements de ce genre. Les guides de voyage en regorgent et donnent du Pérou l’image d’un vieux Western où chacun risque sa vie au moindre carrefour. D’après nous, c’est vraiment exagéré et nous pensons que les guides touristiques présentant les pays européens pourraient être mis à jour d’une façon similaire l’année prochaine. Vous, les amis qui êtes à la maison, vous risquez autant votre vie que nous 🙂
Nous sommes accueillis à Lima par le bienveillant ‘garua’, cette bruine qui vient de la mer et semble couvrir toute la ville d’un voile blanc. Déprimant pour certains, il n’est en tout cas pas très photogénique. Il faudra faire avec ! Nous marchons notre première demi-heure à travers différents quartiers jusqu’à atteindre une belle et grande auberge juste en face de la basilique de Saint-François. Pour 40 soles la chambre dans la capitale (11 €), on doit dire qu’on a une vue plutôt sympa !
Cette basilique du XVIIème et son monastère seront d’ailleurs notre première visite. Une superbe découverte qui marquera nos mémoires. Nous retiendrons : son extraordinaire plafond en bois de cèdre sculpté, sa bibliothèque au charme fou avec ses deux escaliers en colimaçon et ses 25.000 ouvrages, et ses catacombes qui débordent encore aujourd’hui des ossements des 70.000 âmes qui y furent enterrées. Sans oublier les nombreux tableaux, notamment celui du Jésuite Diego de la Puente qui a représenté le denier repas à la mode péruvienne. La table est ronde ; une grande animation règne autour des convives ; et il y a du cuy sur la table (vous savez, ce cochon d’Inde qu’on a mangé au retour du trek de l’Ausangate).
Malheureusement, les photos n’étaient pas autorisées ! Mais bon… je vous en ai quand même déniché une :
Crédit photo : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Lima-biblioteca-san-franc.jpg
Histoire de se remettre des catacombes, on part à la découverte des rues du centre…
On ne tombe pas vraiment sous le charme. On flâne ; on goûte les churros les plus connus de la ville (après avoir fait la file durant vingt minutes devant l’échoppe bondée) ; on va à la rencontre du (petit) quartier chinois… On essaye aussi d’être à l’heure au rendez-vous quotidien que fixe la Plaza de Armas avec les touristes : la relève de la garde. On reviendra d’ailleurs au même endroit de nuit pour prendre l’apéro sur un banc public et admirer l’éclairage des bâtiments inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco.
Une des grandes richesses de Lima réside dans ses musées. Et notamment dans le musée Larco, de classe mondiale. Nous y avons passé toute une après-midi ! Il met en lumière le fait que les Incas ne sont qu’une partie des civilisations précolombiennes. Il en a existé de nombreuses, toutes plus intéressantes les unes que les autres. En gros, il faut savoir que le Pérou est considéré comme l’un des six berceaux de la civilisation, outre le Mexique, la Mésopotamie, la Chine, l’Egypte et l’Irak. La convergence de deux courants marins a doté le Nord du Pérou d’une mer très fertile propice à l’apparition des premières villes.
Comme le musée m’a passionné, j’essaye de vous faire partager ce que j’y ai appris…
Des céramiques datant de 2000 ans avant J-C, retrouvées dans des tombes, ont donné aux archéologues de nombreuses informations sur les civilisations. Ainsi, on sait que les premières cultures percevaient le monde en 3 étages et associaient à chacun d’entre eux des Dieux sous la forme d’animaux : le ciel et ses oiseaux, la terre et ses félins et le monde sous-terrain souvent lié aux serpents. Parfois, des animaux hybrides sont représentés (félins ailés, oiseaux avec des crocs…), symbolisant l’union des différents mondes.
On parvient à distinguer deux grands courants de céramique. Au Nord, les céramiques sont surtout mono ou bi-chromes et possèdent une anse en forme d’étrier.
Salinar, le rouge vient de la cuisson et le blanc est peint ensuite. On voit de gauche à droite, un félin, un serpent et un hibou.
Au sud, au contraire, les artisans utilisaient de nombreuses couleurs et l’utilisation d’une anse pont était assez généralisée.
Paracas Caverna, représentation d’un félin.
A partir du 1er siècle après J-C, on rentre dans l’époque dite d’apogée. Au Nord du Pérou, la culture Moche va produire ses plus belles céramiques qui détaillent avec précision son mode de vie et ses croyances. Les Dieux qui y sont représentés sont directement dérivés de croyances antérieures. Ainsi, il s’agit souvent d’êtres hybrides (parfois anthropomorphes) reprenant des éléments des trois mondes. Nous nous intéresserons d’un peu plus près à cette culture, plus tard dans notre voyage au Pérou. Voici déjà un exemple de poterie Moche :
Cette civilisation pratiquait aussi les sacrifices humains. Des combats de guerriers étaient organisés et le vainqueur était offert aux Dieux. Voici une représentation métaphorique de l’issue du combat : un félin (le Dieu, le vainqueur) domine un être humain (le vaincu).
Les Moches sont aussi connus pour avoir produit des sculptures érotiques, voir carrément pornographiques. Allez, c’est vraiment parce que je sais que vous allez le demander si je n’en mets pas :
A partir de l’an 800 environ, pour différentes raisons, les cultures commencent à fusionner et l’on observe des caractéristiques des poteries du Sud dans les poteries du Nord et inversement. Dans tous les cas, les croyances restent plus ou moins similaires et les Dieux sont toujours les êtres hybrides déjà décrits.
Huari du Nord, divinité type « félin » avec des ailes d’oiseaux et une ceinture de serpents
Vers 1300, on rentre dans l’époque impériale durant laquelle deux grandes civilisations prospèrent et prennent le dessus sur les autres. Au Nord, il s’agit des Chimus et, au Sud, des fameux Incas. Les poteries représentent de plus en plus des hommes de pouvoir plutôt que des divinités en tant que telles et la production commence à se faire en série.
Avec l’arrivée des Espagnols en 1532, l’art est complètement bouleversé. Une poterie m’a personnellement retourné. Vous vous souvenez que le félin est un Dieu et qu’il domine évidemment l’Homme. Au delà des sacrifices humains dont nous avons parlé, l’Homme chasse parfois le daim afin de l’offrir aux Dieux. Il y a donc des représentations d’hommes chargeant ces daims sur leur dos dans ce but. Voici un détail d’une poterie produite pendant l’ère espagnole :
Le félin est chargé sur le dos d’un homme, étant relayé de la sorte au rang du daim!!! Impensable et complètement à l’encontre des cultures indigènes… L’Homme semble être passé au-dessus de ses propres Dieux. Quel dégât que la découverte de l’Amérique par les colons.
On se remonte le moral en constatant que Hergé, lui, s’est inspiré de la culture pré-hispanique profonde pour « L’Oreille Cassée ».
Nous finissons par quitter le musée lorsqu’il faisait déjà noir dehors.
Le lendemain, pour notre dernière journée, nous partons à la découverte des quartiers chics de Lima. Franchement, on n’a pas été sublimés et on ne se sentait pas à notre place. Le capitalisme en plein… Bref, intéressant à voir, mais on n’a pas aimé.
En plus, pour une fois qu’on fréquente un quartier plus huppé que d’habitude, on a été victimes d’une arnaque. Un taxi, avec une « cliente » à l’arrière, s’est arrêté pour nous demander du change. Cinq minutes plus tard, on était délestés de 60 Soles, en échange de 3 faux billets de 20 Soles… On sait pourquoi on fréquente les quartiers plus populaires, plus sûrs. Ca nous apprendra !
Bon… Ne noircissons pas tout, nous sommes tombés dans un parc face à un espèce de petit amphithéâtre où les gens prennent leur guitare et font partager leur talent. Chouette ambiance !
Nous étions tout de même assez soulagés de retrouver « nos » quartiers, « notre » bouffe de rue et « notre » bus troisième classe, plein à craquer, direction Caraz. Objectif : se reprendre une bouffée de montagnes dans la cordillère blanche.