Comment décrire Muang Noi ? Peut-être en commençant par le moyen d’y arriver ? Deux bateaux (lire « barques »), permettent de l’atteindre (capacité d’environ 15 personnes pour 20 personnes à bord). Parmi ces 20 personnes, il y a, à tout casser, 3 locaux, dont le chauffeur.
Du coup, le petit village typique décrit par de nombreux guides ne produit pas vraiment l’effet escompté. Le courant touristique l’a quelque peu dénaturé.
Malgré tout, l’heure de bateau est très agréable et le paysage est fantastique : la rivière est large d’une vingtaine de mètres et le bateau doit se battre contre du courant très fort qui se rapproche même de rapides à certains endroits. Les bœufs, eux, évitent soigneusement ces zones et trempent dans les endroits calmes, la tête et les cornes dépassant à peine de la surface de l’eau comme pour pouvoir échapper à la chaleur environnante par le plus grand nombre de centimètres carrés de peau immergés. Les hommes, eux, pêchent au filet traditionnel, les enfants ramassent des algues alimentaires… Le cours d’eau vit, c’est certain !
Nous passerons une nuit à Muang Ngoi. La vue sur la rivière depuis ce village « sans voiture » par la force des choses est sympathique mais l’unique rue est bondée de touristes. Nous décidons donc le lendemain de plier bagages. Notre plan? Nous enfoncer à travers les nombreux chemins de randonnée et rallier un petit village où il est possible de dormir. Après deux heures de marche, nos efforts sont récompensés : nous atteignons un vrai village typique, dont un des chefs a ouvert une petite guest-house. Nous accrochons tellement avec la vie du village que nous y passerons finalement deux nuits.
Dès le premier jour, nous empruntons un filet de pèche traditionnel, lesté à ses extrémités par une chaîne. La méthode à suivre est un peu particulière : elle consiste à lancer le filet afin qu’il retombe dans l’eau peu profonde sous la forme d’un cercle, avant de ramasser les poissons qui ne peuvent s’échapper du filet lesté. Cette méthode a, semble-t-il, été employée dans nos régions mais est maintenant interdite. Le résultat de notre pêche initiatique est plutôt maigre: la quinzaine de petits poissons attrapés suffisent tout juste à composer notre… apéritif.
Le lendemain, retour au trek et à la découverte des villages environnant. Ceux-ci s’alimentent en électricité à partir de petites turbines ingénieuses disposées un peu partout dans les rivières, de sorte que de nombreux câbles électriques « maisons » se fraient tant bien que mal un chemin à travers la jungle environnante.
La vie est rythmée par la chasse (de petits animaux non identifiés), le travail des champs, la vente de bœufs, le tissage… Alors que je prends part à la rénovation d’une maison en bambou, Sarah suit son premier cours de cuisine laotienne. Au menu: sticky rice, soupe de pousses de bambous, poisson grillé et aubergines cuites… directement dans le feu.
L’un et l’autre sommes surpris par l’application parfaite de l’adage: rien ne se perd, tout se transforme. Le bambou est particulièrement exploité: dans la construction des maisons, le tissage des paniers, la fabrication d’outils (pics à brochette ou pinces pour le feu), la cuisine, et la nourriture du bétail. Aucun centimètre de la plante n’est gaspillé.
Nous aurions pu rester une semaine entière avec ces villageois qui ont tant à nous apprendre, mais le chemin nous appelle. Après avoir repris le bateau pour le retour à la « civilisation », nous prenons la direction du sud. En route Titine!