Après deux mois d’un rythme un peu particulier, nous avons appuyé sur le bouton « play » de notre voyage en mode sac-à-dos. Peut-être avons-nous heurté par mégarde la touche « lecture accélérée », tant les prochains jours s’annonçaient intenses.
Levés aux aurores, nous avons assisté à un dernier lever de soleil sur le Cotopaxi. Ce volcan voisin a eu la gentillesse de se tenir tranquille durant notre séjour dans la capitale. Son activité s’est cependant accélérée, et deux jours avant notre départ la colonne de fumée qui s’en échappait a atteint la hauteur record de 2km de haut… Il était temps de plier bagage ! Direction : Otavalo.
Les éléments ont tout mis en œuvre pour rendre notre départ de Quito plus aisé. Ce 30 octobre était notre jour de chance : c’était la fête à Otavalo. A peine débarqués du bus, nous avons assisté à un curieux défilé, mêlant l’armée, les délégations des indigènes des villages voisins, et de nombreux groupes de danses traditionnelles.
Des couleurs plein les yeux, nous avons mis le cap vers la lagune de Mojanda, « trois petits sacs-à-dos » dans le Routard. Mais la belle est timide : aucun transport public ne peut nous mener sur ses rives. Il faut prendre un taxi, pour pas moins de 25 USD, ou marcher plus de 20 km en ascension, ou… faire du stop et croiser les doigts pour qu’une voiture aille se perdre dans les montagnes. Notre jour de chance se poursuivant (normal, pour un JOUR de chance), nous avons été embarqués par un groupe de touristes colombiens en moins de 5 minutes.
Le paysage là-haut en valait la peine (que nous n’avons pas eue).
Encore en pleine forme, nous avons décidé d’entreprendre le tour de la lagune, une balade de 4 à 5h. La première heure s’est passée sans encombre.
Ensuite le vent s’est levé, les nuages ont viré au gris, et le tonnerre a déchiré le ciel.
Isolés de tout, nous nous sommes pressés de rejoindre le seul refuge des environs. Et nous avons attendu que la pluie se calme. Nous avons attendu. Un peu. Beaucoup. Beaucoup trop. Julien, n’y tenant plus, a eu l’idée du siècle : pourquoi ne marcherions nous pas sous la bâche de la tente ? Nous serions ainsi protégés des gouttes qui s’écrasaient à une vitesse folle sur le sol. Ni une, ni deux, nous avons mis son plan à exécution, en imaginant la tête de ceux qui croiseraient notre chemin : une tente à quatre pattes , avançant péniblement sur la route transformée en courant de boue.
Plutôt que de continuer la boucle autour de la lagune (trop longue), nous avons rebroussé chemin. Moins d’une demi heure plus tard, comme si elle voulait nous soulager de notre accoutrement, la pluie a cessé. Il nous restait alors 20 km à descendre jusqu’à la ville. Et il était 17h.
Nous avons entrepris la descente, dans un fin brouillard, qui s’est vite transformé en pâte blanche épaisse. Comme pour Cendrillon, nous pouvions encore compter sur notre « jour de chance », jusqu’à minuit. Les phares d’une voiture ont percé l’obscurité naissante. Julien dira que je me suis « jetée sous les pneus de la voiture » pour qu’elle s’arrête. Je dirais plutôt que j’ai fait des signes très explicites, et sans doute un peu alarmistes, qui ont eu pour résultat que, moins d’une heure plus tard, nous étions déposés, sains et saufs, sur la place principale d’Otavalo.
Et les bonnes surprises continuèrent : concert gratuit, agrémenté de danses traditionnelles sur la place, rencontre dans une petite tienda (échoppe) avec un Équatorien travaillant pour la CTB (agence belge fédérale pour le développement). Tout fier, il nous a glissé sous le nez une photo de la bière qu’il avait découverte la veille : une Saint-Feuillien blonde. Devant nos verres de Colada Morada (boisson chaude à base de farine de banane, de jus de mures, d’épices diverses et de morceaux de fruits frais – spécialité de la Toussaint), nous avions les papilles qui frémissaient. Nous nous sommes endormis en rêvant aux pintjes que nous partagerons bientôt avec vous.
L’attraction d’Otavalo, c’est la « feria animales », la foire aux animaux qui a lieu tous les samedis matin sur les faubourgs. Nos yeux, encore mouillés de sommeil, ont eu du mal à croire ce qu’ils voyaient. A l’extérieur de la foire, sur les trottoirs, des dizaines de sacs remuaient. A l’intérieur : des cochons d’inde, des lapins, des poules, des chiots… Et ce n’était que le début.
Une fois dans l’enceinte de la foire, nous ne savions plus où donner de la tête. Des centaines d’animaux, tenus « en laisse » par leurs propriétaires, étaient mis en vente. « Combien donnes-tu pour ma vache, mon cheval, mon cochon ? ».
Afin de se plonger pleinement dans l’ambiance, nous nous sommes donné pour mission de recenser le prix de chaque espèce. Pour info:
– un cochon de 2 mois coûte entre 35 et 45 USD
– une poule adulte coûte entre 6 et 8 USD
– un cochon d’inde coûte environ 4 USD
– un gros lapin coûte 7,5 USD
– un coq adulte coûte 15 USD
– un veau de deux semaines coûte 15 à 30 USD, et une vache de 3 ans coûte 600 USD (un vrai investissement!).
Quand les chiffres nous ont donné le tournis, nous avons grimpé sur une butte pour prendre notre petit déjeuner, composé de pain et de confiture à la papaye maison, vestige de notre établissement prolongé à Quito. De là-haut, Julien s’est en donné à cœur joie pour capturer à la volée des scènes qui nous feront longtemps sourire : un cochon qui se débat et refuse de suivre son nouveau maître, une vache qui prend la fuite et joue à cache-cache derrière les camions, ou au contraire un troupeau de 5 moutons qui se suit à la trace sans broncher.
La feria se poursuivant dans la ville, sous forme de brocante ou de marché artisanal.
Partout, la Colada Morada et les Guagua (espèce de cougnous) décoraient les étals.
Nous avons pris un dernier almuerzo (dîner) au marché, comme nous en avons l’habitude depuis plusieurs mois. Nous adorons l’animation qui y règne, la mixité sociale des consommateurs, et surtout le contenu des assiettes. Pour 1,75 USD, nous nous sommes remplis la panse, et avons fait glissé le tout avec un dernier Colada Morada.
Nous pensions que c’était la dernière fois que nous dégustions ce breuvage, mais nous allions le retrouver à Tulcan, la ville frontière avec la Colombie, vers laquelle nous nous dirigeons à présent. Ce n’était pas un adieu, juste un au revoir.