Voyager sans guide de voyage ne nous réussit pas toujours (voir notre recherche vaine des lagunes près du cratère d’El Altar). Mais parfois, cela nous réserve d’excellentes surprises !
Après nos quelques jours d’exploration autour du volcan, nous souhaitions rejoindre Banos, une ville thermale. Nous pensions que nos petites guibolles avaient bien besoin de se détendre dans les eaux chaudes des bains. Nous avons donc demandé quel bus pouvait nous y emmener.
La réponse apportée à cette question a définitivement changé le cours des 4 jours suivants. « Vous devez d’abord prendre le bus pour Puela, et ensuite un second bus pour Banos. Mais les transports sont sans doute perturbés, car le village de Puela fête la Saint Michel ».
Fête ? Vous avez dit « fête » ? C’en était trop pour les oreilles de Julien, qui avait déjà décidé que Puela deviendrait notre destination finale du jour. Moins de trente minutes plus tard, nous prenions un bain de foule sur la place du village (située en réalité au carrefour des deux uniques rues du bourg, agencées de manière perpendiculaire). Suivant le mouvement, nous avons rapidement fait la connaissance de la star du jour : une statuette d’environ 1m de haut, adorée par des dizaines de fidèles, qui représente Saint Michel terrassant un tout petit dragon.
Si le village de Puela est minuscule, les cérémonies entourant la Saint Michel drainent les habitants des vallées environnantes, ce qui a pour conséquence que la densité de la population explose. L’église était trop petite pour contenir l’ensemble des fidèles. La solution ? Sortir les bancs sur le terrain de basket voisin.
La raison de cet engouement particulier résulte de l’activité intense du Tungurahua, le volcan voisin. Saint Michel serait le protecteur du village contre les éruptions. Et les habitants en ont bien besoin : le Tungurahua crache en effet des cendres de manière régulière, et nous avons assisté à pas moins de deux éruptions lors de notre court séjour à ses pieds.
Bien que nous nous joignions aux craintes des fidèles, la messe organisée sur le terrain de basket n’en était pas moins assommante. Après une heure (montre en main) de « Je vous salue Marie », nous avons pris la sage décision de nous éclipser. Grand bien nous en a pris: les autres bancs n’ont été désertés que plus de 2h plus tard… Et ce n’était en réalité que le début : Saint Michel a ensuite été baladé dans les (deux) rues, suivi de l’orchestre et d’une centaine de badauds.
Pendant ce temps, nous nous sommes réfugiés dans un stand de nourriture typique.
Notre présence en ces lieux n’est pas passée inaperçue. Nous étions en effet les seuls touristes de la fête et Julien, avec sa coupe de cheveux explosive, est facilement repérable. Les tenanciers se sont donné pour mission de nous faire goûter les spécialités locales, du porc à la broche à la liqueur maison, en passant par le pain à l’anis. En échange, nous posions de bon cœur sur leurs photos souvenirs.
Le résultat, au bout de près d’une heure de ce petit jeu, était sans appel : nous étions devenus amis. Et les amis ne paient pas leurs consommations. Impossible de sortir un dollar de nos poches.
Cette expérience, nous l’avons vécue pas moins de trois fois en l’espace d’une journée. Près d’une heure plus tard, Pierre, un Équatorien d’origine africaine, nous offrait des friandises maison à la noix de coco.
Le summum, nous l’avons vécu avec Miguel et sa famille. Rencontré une première fois alors que nous nous baladions dans les environs du village, Miguel a recroisé notre route lorsque nous cherchions un endroit pour poser notre tente. Spontané et extraverti, sa réaction ne s’est pas faite attendre : nous DEVIONS camper chez lui, dans le jardin de la maison familiale. Et de nous embarquer immédiatement à l’arrière de son pick-up (nous étions à l’autre extrémité de sa rue, c’est à dire à 200m de chez lui, mais tout de même, il fallait prendre la voiture – le carburant ne coûte rien en Équateur, pays producteur de l’or noir).
Premier arrêt: la maison d’un lointain parent, qui possède des chèvres. Leur lait vaut une véritable fortune (4 dollars le litre, contre 50 cents le litre pour le lait de vache), compensée par des propriétés et un goût uniques.
Second arrêt : l’arène. Les jeunes de la région s’étaient donné rendez-vous sur ce terrain sablonneux, afin d’affronter cinq bovins plus ou moins excités. Pas de véritable combat, et encore moins de mises à mort ; l’idée était simplement de « jouer » avec les taureaux, à l’aide de couvertures ou de pull-overs en guise de cape rouge à agiter devant l’animal.
Au soleil couchant, nous avons retrouvé Miguel, mais aussi son épouse Alicia, ses sœurs Jacquelina et Lorena, ses neveux Alexis et Veroniqua, son petit neveu Nicolas, et ses parents Juan et Blanca. Tout ce petit monde s’est serré dans la cuisine, alors que Jacquelina et Alicia s’affairaient pour nous sustenter. Après un bref conseil de famille, il a été décidé que nous DEVIONS dormir dans la cuisine, auprès du feu,car il ferait trop froid dehors (ils ignoraient que, la veille, nous avions les pieds dans la neige, et que nous n’avions pas bronché).
Avant de tomber dans les bras de Morphée, nous avons rejoint une dernière fois l’arène, éclairée d’une dizaine de foyers. Chaque famille du village avait amassé du bois, avant d’y mettre le feu, au son de la fanfare. Il s’agit d’un hommage à la nature, perpétué depuis des dizaines d’années.
Passage obligé avant de rentrer à la maison : la statuette de Saint Michel, qu’il fallait impérativement saluer.
« Et demain, vous allez à Banos ? Nous retournons à Macas. Macas est très joli. Vous pouvez venir avec nous si vous voulez. » Après quelques minutes de réflexion, nous avons opiné du chef : va pour Macas !
Le lendemain l’ambiance à Puela ressemblait, à s’y méprendre, à celle carnavalesque des Chinels de Fosses-la-Ville. Levés de bonne heure, nous avons préparé du thé à la cannelle, agrémenté d’alcool de canne, en quantité astronomique. Certes la famille était nombreuse, mais les destinataires premiers de cette boisson étaient les membres de la fanfare, qui faisaient halte dans chaque maison pour jouer un morceau, et surtout pour boire un coup.
Nous n’en avons pas pleinement profité, car notre estomac était déjà bien rempli. Nous sortions en effet d’un cours de cuisine avec une voisine. Elle nous avait enseigné l’art de préparer des « Tortillas a la piedra » durant… près de trois heures.
Des centaines de petites galettes salées ont rôti sur le feu de bois.
Après un dernier passage de l’effigie de Saint Michel, nous sommes monté à bord du 4×4 de Veroniqua, direction Riobamba. De là, nous prendrons la route pour Macas, avec Miguel, Alicia et Jacquelina.
Notre seule boussole : les rencontres que nous faisons sur le chemin.