Choquequirao est présenté comme « la petite sœur du Machu Picchu », les touristes en moins, les heures de marche en plus. Quatre jours de randonnée sont nécessaires pour découvrir ce site méconnu. Tout un programme !
Afin de préparer nos gambettes pour ce nouvel effort, nous avons commencé ce trek par… une journée de repos à Santa Teresa, entre ses thermes et son village paisible. C’est sur la place principale que nous avons récolté les dernières informations sur Choquequirao. Il faut dire que nous ne faisons, à nouveau, pas les choses de manière traditionnelle. Les aventuriers qui souhaitent visiter « la petite sœur » partent en général de Cuzco, et font soit un aller-retour (2 fois 2 jours de marche), soit continuent leur route de Cuzco vers le Machu Picchu, en passant par Choquequirao (une randonnée de 9 jours au total). Nous souhaitions faire le parcours dans la direction opposée, ayant déjà visité le Machu Picchu, et souhaitant éviter un aller-retour inutile vers Cuzco. Première démonstration de « pourquoi faire les choses simplement lorsqu’on peut les compliquer à l’envi ? ».
A Cuzco, on nous avait assuré qu’il y avait un bus entre Santa Teresa et Yanama, le point de départ d’un trek que nous souhaitions raccourcir le plus possible : nous ne sommes pas totalement remis de nos randonnées passées, et les paysages autour de Choquequirao ne sont pas exceptionnels, comparés à ceux de l’Ausangate. Nous avions donc « signé » pour une randonnée condensée de 4 jours, avec en moyenne 6 à 7h de marche quotidienne.
Presque trop facile. Du coup, le sort a compliqué un peu les choses…
Sur la place principale du village, nous avons appris que le bus reliant Santa Teresa à Yanama n’existe pas. Le plan B était de monter à bord du véhicule d’un gars qui rentrait dans son village (Totora), sur la route vers Yanama, à… 3h du matin. De son village, nous assurait-il, nous trouverions un taxi collectif pour Yanama. Lâchés à 4h30 à Totora, nous avons rapidement constaté qu’aucun transport ne nous mènerait plus loin : nous devions marcher jusqu’à Yanama.
Au pied des montagnes, dans le froid de la nuit, il n’y avait qu’une chose à faire : s’armer de sa lampe frontale et se mettre en route pour ne pas congeler sur place. Nous nous sommes donc activés jusqu’à ce que le soleil nous réchauffe le bout du nez et nous permette de préparer notre petit déjeuner.
Yanama, ce n’était pas la porte à coté : le village est situé à 7h de marche de Totora, de l’autre coté d’un col culminant à 4643 m.
Sept, c’est le nombre d’heures de marche que nous nous étions fixées quotidiennement pour cette randonnée. Sauf qu’avec le contretemps du taxi fantôme de Totora, nous étions en retard sur notre planning. Nous avons donc décidé de pousser l’effort pour atteindre le prochain col (2h d’ascension).
Et une fois en haut du col, nous nous sommes dit que nous pourrions pousser l’effort encore plus loin, et rejoindre le campement où nous comptions initialement poser notre tente (3h de descente raide). Au total : un dénivelé positif de 1800m et négatif de 2000m, pour 12h de marche en une journée, qui a commencé et terminé à la lueur de nos lampes frontales. Une folie, qu’on s’est promis de ne jamais reproduire.
Il faut dire que nous devions épargner nos genoux : si ce trek est exceptionnel sur un point, c’est pour son dénivelé quotidien. Nous descendions dans une vallée pour mieux remonter sur la colline opposée. Et ainsi de suite. Un petit jeu qui ne nous a que moyennement amusés quatre jours durant.
Les sites qui jalonnent le chemin nous ont par contre tout à fait conquis. A 3h de marche du Choquequirao s’étalent des terrasses remarquablement conservées.
Et de l’autre côté de la montagne, nous avons repéré les premières ruines de Choquequirao à la lueur de nos lampes de poche (caramba encore raté : difficile d’atteindre un camping en plein jour!).
Pachamama (la terre mère) a sans doute comploté pour que nous découvrions l’impressionnant Choquequirao au petit matin. Un petit dej’ de notre recette favorite plus tard (avoine, lait en poudre, pommes, cannelle et fruits secs – on vous assure, c’est délicieux), nous voilà qui foulions les terrasses du Choquequirao.
Plus nous avancions sur le site, plus nous découvrions des ruines cachées dans les fourrés. Nos gambettes ont été fortement sollicitées pour les explorer. Le point culminant de la visite (au sens métaphorique : il se trouvait en réalité à plusieurs centaines de mètres en contrebas de l’ensemble) a été sans conteste le secteur des lamas : des terrasses sur pas moins de 56 niveaux, vieilles de plus de 5 siècles, décorées de pierres blanches figurant… des lamas.
Choquequirao dans son ensemble a de quoi surprendre. Considéré comme le refuge des derniers chefs incas, le site n’a jamais été découvert par les Espagnols. Dans leur fuite définitive, les Incas ont en effet pris soin de détruire les chemins qui conduisaient à leur base de résistance afin de la préserver. Ce n’est qu’en 1986 (année de naissance de Julien – il n’est pour rien dans cette histoire, mais ressent toujours une certaine fierté à l’évocation de cette année magique) que Choquequirao sort définitivement de l’oubli. Sous l’égide de l’UNESCO, des travaux de défrichage sont entrepris, dévoilant actuellement environ 50 % du site. Les recherches avancent au fur et à mesure que les caisses se remplissent… et ce n’est pas le prix d’entrée du site (4 fois moins cher que le Machu Picchu) ni le nombre de visiteurs quotidiens (une petite vingtaine) qui permettent d’accélérer les choses. En attendant, les courageux randonneurs qui arrivent jusqu’ici peuvent explorer le site à leur guise, étant pratiquement seuls sur place.
Le plus grand exploit du jour sera sans doute d’avoir atteint notre prochain camping à 17h10, soit près d’une heure avant que le soleil ne se couche. Nous avons célébré l’occasion avec une cruche de « chicha de caña », une boisson fermentée à base de canne à sucre (succès total auprès de Julien – beaucoup moins de mon côté), et LE repas typique de la vallée, servi à tous les randonneurs : riz, patates et œuf sur le plat. Heureusement que nous sommes en autonomie alimentaire les autres jours, pour agrémenter notre assiette de pain, nouilles, pâtes, soupe et quinoa !
La dernière remontée, de la rivière aux sommets civilisés, a sans doute été la plus douloureuse (4h d’ascension ininterrompue sous un soleil de plomb). Pour faire passer la pilule, nous avons randonné en « équipe belge », avec Émilie et Miguel, rencontrés en route.
Notre vilain défaut s’est avéré être contagieux : est-ce à cause de nos trop longues « pauses-discussions » sur la Belgique, du taureau qui nous a devancé sur le chemin et que nous n’osions pas dépasser de peur de le fâcher, ou de nos débats avec des villageois en état d’ébriété avancé ? Le résultat était là : nous sommes, pour la troisième fois en quatre jours et pour la dernière fois de ce trek, arrivés dans le noir à San Pedro de Cachora.
La recherche de camping a cependant été très rapide : Miguel, jouant de ses charmes d’infirmier, nous a dégoté un énorme morceau de pelouse à l’arrière d’un hôpital.
Julien, qui est devenu fan de la Chicha, nous a ensuite traînés dans un boui-boui producteur de la fameuse boisson locale. Parfumée à la fraise, ou nature, rien n’y fait : Emilie, Miguel et moi sommes incapables de finir nos verres. Julien perd même de son enthousiasme après s’être englouti, seul, 2 verres et demi de Chicha plus ou moins fermentée.
Nous avons fait une dernière incursion dans la vie locale en allant visiter la pierre de Sayhuite. Un peu à l’écart du village de Antacirca, cette pierre taillée par les Incas surplombe fièrement d’autres ruines, où les enfants du coin ont organisé un cache-cache géant.
Une centaine de mètres en contrebas, des évangélistes tentaient de recruter des nouveaux membres à coup de beignets presque gratuits. Julien a sauté sur l’occasion et moins de 5 minutes plus tard, nous étions assis à l’arrière de l’église, contraints d’écouter un Padre qui paraissait très inspiré. Cinq autres minutes plus tard, nous levions le camp, non sans être repassés par le stand des beignets (où nous avions habillement laissé nos sacs en dépôt).
La suite aurait pu être aisée : prendre un bus pour Lima. Dernière illustration du « pourquoi faire les choses simplement lorsqu’on peut les compliquer à l’envi ? » : nous avons décidé de rejoindre Lima, non pas par la côte (voie traditionnelle), mais par les terres, en faisant halte à Abancay et Ayacucho, et en prenant 4 fois plus de transports que nécessaire pour rejoindre la capitale.
Au fond, les choses simples ne sont peut-être pas faites pour nous !