60 heures ! C’est le chiffre que nous avions en tête quand nous sommes arrivés à Potosi. C’était le nombre d’heures qu’il nous restait avant le départ de Camille. Il fallait donc continuer à optimiser le temps et à lui mettre plein de bons souvenirs en tête.
«Bons» n’est peut-être pas l’adjectif approprié à Potosi… «Mémorables» serait peut-être plus adapté. Nous sommes effectivement ici pour approcher un monde peu réjouissant : celui des entrailles de la montagne, celui où des hommes continuent à suer, à saigner et à mourir pour extraire quelques cailloux plus rares que d’autres, celui que nous remémorent les montagnes noires qui bordent nos plaines carolorégiennes.
Potosi est posée à une altitude de plus de 4000 m, ce qui est un record mondial pour une ville de plus de 100.000 habitants. C’est accompagné de deux nouveaux compagnons de route, Nathalie et Geordan, que nous faisons nos premiers pas dans les rues. La combinaison entre le bruit des klaxons et l’agitation des locaux nous donne le sourire… Un petit air Indien en Bolivie ! Nous nous frayons un chemin entre d’innombrables baraques à frites locales et différents commerces installés indifféremment dans des voitures ou sur des brouettes aménagées pour l’occasion. Notre enthousiasme augmente au fur et à mesure que nous avançons…
Le lendemain matin, rendez-vous avec un ancien mineur qui s’est reconverti grâce au tourisme.
Nous commençons par visiter un marché bolivien fréquenté par les mineurs… Nous sommes habitués à cette ambiance locale et en profitons pour prendre quelques clichés.
Notre guide nous explique notamment comment mâcher correctement les feuilles de coca ou encore comment acheter un bon stick de dynamite…
Nous poursuivons la matinée avec la visite d’une usine de traitement des roches extraites des mines du Cerro Rico («La montagne Riche»). La Bolivie ne dispose pas des technologies qui lui permettraient de séparer les différents types de minerais. Ils se contentent donc de faire une espèce de melting-pot « précieux » qui est revendu à divers pays à un prix dérisoire en comparaison avec les prix de ces matières premières.
Nous enfilons maintenant un équipement complet afin d’aller visiter la mine. On nous fait signer tout un tas de décharges qui ne rassurent pas Camille. Il faut dire que je lui avais lu des anecdotes peu réjouissantes à ce sujet… Toutefois, ni une ni deux, nous voici fin prêts à entrer dans les profondeurs du Cero Rico.
On avance, on se courbe, on se tape la tête, on se courbe plus… Ce que nous suivons alors de l’œil est ce rail métallique qui s’enfonce à l’infini dans ces galeries centenaires. Saviez-vous que la majorité de la richesse espagnole a été acquise dans cette mine ? L’argent y foisonnait ! Les Espagnols y ont fait travailler de force des centaines de milliers de personnes au travers des années. A une époque, près de 60.000 personnes y travaillaient et 30.000 esclaves africains y ont été envoyés afin de renforcer les équipes. Il va de soi que le taux de mortalité était très élevé et nous prenons la mesure de cette atrocité en nous engouffrant de plus en plus profondément dans la mine.
L’air est par moment irrespirable, la tête tourne et retourne, les poumons crient et nos jambes veulent faire demi-tour. Les vapeurs d’arsenic, la poussière de silice, la chaleur… Tout est insoutenable et nous profitons de chaque intersection de galeries pour nous reposer. Tiens… Saviez-vous aussi que cette richesse espagnole a poussé les hispaniques à une fièvre de consommation ? L’argent a été dépensé chez les voisins européens et l’Espagne en est sortie complètement endettée. On venait de faire les premiers pas vers le capitalisme tout en apportant des richesses complémentaires à nos pays, nécessaires pour entamer la marche de la révolution industrielle. Tout ça vient d’ici, de ces galeries infernales que nous tenons sous nos yeux…
Nous sommes tout à coup stoppés nets dans notre visite : un crissement métallique hurle au travers de la galerie. Un homme pousse de tout son poids un wagonnet. Nous sommes à environ 4500 mètres et cette homme fait un effort qui nous ferait tous tomber en syncope dans la minute.
Les mineurs sont organisés en coopératives et possèdent un système de parrainage. Ainsi, un nouveau mineur se voit attribuer un filon (une veine de minerai) par son parrain et travaille sous ses ordres. Il gagne alors un salaire fixe. La deuxième année, il gagne 50% de la production mais travaille presque exclusivement seul sur le filon. La troisième année, il gagne 75% du minerai qu’il extrait mais il doit s’équiper lui-même. Au terme de cette ultime année, il est présenté à la coopérative. S’il est accepté, il a alors le droit de continuer à exploiter son filon pour lui seul, contre paiement d’une taxe à la coopérative. Si le filon venait à se tarir, il faudrait recommencer le processus d’intégration à zéro.
C’est évidemment sans compter les ententes entres mineurs. Certains travaillent en totale indépendance pour d’autres mineurs qui possèdent les filons. Ceci évidemment sans sécurité sociale et sans sécurité d’emploi.
Nous passons un moment avec les mineurs et leur donnons quelques présents pour les encourager dans leur travail. Un éboulement nous interrompt et nous rappelle que nous sommes dans un environnement à hauts risques.
La fin de la visite approche et c’est soulagés que nous voyons apparaître au loin les rayons du soleil. Une fois sortis, nous sourions pour la photo mais l’heure est plus à la réflexion qu’aux réjouissances.
Le retour jusqu’en ville se fera presque dans le silence. Nous nous remettons toutefois dans une ambiance complètement différente puisqu’une fête universitaire y est en cours !
Nous décidons d’aller manger avec nos nouveaux amis, Nathalie et Geordan. C’est en dégustant une bonne soupe au marché que l’on peut observer un boucher s’attaquer à 3 têtes de vaches à la hache. Spectacle assez ahurissant !
Potosi, sa mine, ses églises et ses rues animées nous laisseront un souvenir impérissable et c’est une bien belle façon de refermer le volet bolivien pour Camille.
P.S. : Concernant le choix du titre, petit extrait du dictionnaire espagnol…
potosí
s. m. Riqueza extraordinaria o muy grande: ganó un potosí trabajando en Alemania.
valer un potosí Tener una persona o una cosa un gran valor.
potosí. (n.d.) Diccionario Manual de la Lengua Española Vox. (2007). Retrieved July 4 2015 from http://es.thefreedictionary.com/potos%c3%ad
vous étiez beau coiffés de casques mais une visite en enfer éboulement , fissure des galeries, poussières j’en avais le souffle coupé mais il m’en reste assez pour vous envoyer des bisous
Texte très instructif….
Merci les jeunes