D’El Alto aux champs de coca

Une (autre) nuit de bus plus tard, et nous voici à La Paz! Cinq Françaises que nous avons rencontrées à la gare nous ont donné immédiatement le ton: La Paz est une grosse ville totalement inintéressante. D’ailleurs, le club des cinq quittait les lieux après y avoir passé moins de 24h. Bienvenue dans la capitale!

Selon notre mode opérationnel habituel, nous nous sommes adressés aux backpackers rencontrés dans la rue pour recueillir l’un ou l’autre bon plan. Bingo! Alors que deux passantes nous ont renseigné le nom d’un petit hôtel abordable, un couple nous a mis l’eau à la bouche en relatant le trek qu’il a réalisé sans guide dans les environs de La Paz. En moins de trente minutes, nous avions trouvé de bonnes raisons de prolonger notre séjour dans la capitale.

Toujours en glanant des infos ci et là, nous avons appris que se tenait un énorme marché sur les hauteurs de la ville (El Alto), le jour de notre arrivée. A peine nos sacs déposés dans notre chambre spartiate et non chauffée (bien que la température extérieure frise le 0 degré avant le lever du soleil), nous nous sommes mis en route pour la station de télésièges. La Paz est construite dans une vallée, mais la densité de population est telle que les immeubles s’étendent non seulement sur les deux flancs de montagnes, mais également sur les hauteurs de celles-ci. Pour atteindre «El Alto», pas moins de 20 minutes de télésiège « dernier cri » sont nécessaires.

Le marché s’étend presque jusqu’aux portes de la station de télésièges, sur plusieurs kilomètres carrés. Du jamais vu!

Après la phase d’observation, nous sommes passés à l’action: après une après-midi, nos sacs contenaient: une casserole en aluminium, un réchaud à l’alcool, de l’alcool à brûler, et des provisions pour trois jours de trek en autonomie.

Le lendemain, nous avons chargé nos sacs à dos et avons pris un bus, puis un mini-van, pour nous emmener au point de départ du trek «El Choro». Le chauffeur de ce dernier nous a déposé au milieu de nul part, en nous indiquant un chemin qui serpentait depuis le lac voisin. C’est parti!

Les randonneurs rencontrés à notre arrivée à La Paz nous avaient présenté le trek comme une randonnée «qui ne fait que descendre» durant 3500m. Ce qu’ils avaient oublié de préciser, c’est qu’au départ, il faut grimper!

La vue, à cette altitude, est la formidable récompense de nos efforts. Jugez plutôt:

Une fois arrivés au point culminant à 4900m, nous avons entamé la descente dans la vallée, entourés de lamas et de moutons plutôt curieux.

Le clou d’ «El Choro» est de pouvoir admirer le changement de faune et de flore au fur et à mesure des kilomètres. Les lamas ont fait place à des vaches et chevaux (moins exotiques), alors que la végétation se faisait de moins en moins rare. Les paysages, dans leur diversité, étaient cependant inconditionnellement merveilleux.

A la lecture des registres à compléter à l’entrée de la vallée, nous avons réalisé que deux autres Belges foulaient les chemins d’El Choro le même jour. Nous nous sommes retrouvé en soirée, au coin du feu improvisé à quelques mètres de notre tente. Bien que contents de croiser des compatriotes, nous avons du écourter nos échanges en raison du froid qui nous dévorait. Emmaillotés dans nos sacs de couchage comme des asticots, nous avons combattu le gel toute la nuit. Au réveil, nous avons à peine été surpris de trouver des traces de givre sur la tente.

Pour nous réchauffer, nous avons baptisé notre réchaud en préparant du thé et du porridge, le déjeuner parfait du randonneur.

Le ventre bien rempli, nous nous sommes remis en route pour la seconde journée de trek. La nature qui nous entourait s’est rapidement transformée en forêt plutôt dense et humide. Encouragés par les rayons du soleil, nous avons ôté quelques couches et étions plutôt satisfaits de la chaleur ambiante, jusqu’à ce que les petits habitants de la forêt se rappellent à nous: les moustiques et autres compagnons nous ont pris pour cible sans préavis.

Plusieurs dizaines de kilomètres plus loin, nous avons pénétré dans le royaume des oiseaux multicolores (qui craignent le photographe) et les papillons (qui jouent avec le photographe: «tu crois pouvoir m’immortaliser sur du papier glacé? C’est raté, je m’envole quelques mètres plus loin»!).

Le troisième jour, nous avons marché de cascade en cascade, des fleurs rouges aux fleurs violettes, et toujours des oiseaux timides aux papillons espiègles. C’était tout simplement magique.

Du coup, l’arrivée dans la ville de Coroico nous a un peu refroidi. L’animation et les denrées à profusion, c’est bien, mais le béton, ça nous plaît beaucoup moins! Après avoir emprunté une partie de la mythique «death road» (la route la plus meurtrière du monde, bordée des tombes de ses malheureuses victimes), nous avons mis le cap sur Tocana, un petit village perché sur la colline en face de Coroico.

Tocana a ceci de particulier qu’il est peuplé des descendants des esclaves africains (d’origine principalement sénégalaise et congolaise), employés dans les mines en Bolivie. Résultat: des Cholitas en habits traditionnels, mais à la peau noire charbon.

Nous avons eu quelques difficultés à trouver un logement dans Tocana, qui n’est pas du tout touristique. En sortant notre meilleur espagnol, nous avons trouvé une chambre dans une auberge pratiquement abandonnée, tenue par le frère du Padre. Les murs de notre demeure étaient tapissés de photos dudit Padre et de Jean-Paul II, atypique!

Et pour le souper? Il n’y a rien dans le village, s’est excusé le propriétaire des lieux. Heureusement qu’il nous restait quelques provisions du trek (pâtes trop cuites qui tenaient en un bloc et pain durci : un festin!). Le lendemain, nous avons demandé de l’eau chaude pour préparer notre porridge. Outre l’eau, le propriétaire de l’auberge nous a apporté des bananes fraîchement cueillies dans le jardin.

Un peu plus tard, un paysan nous a offert des oranges, alors que les branches des arbres qui bordaient le chemin principal du village ployaient sous les mandarines. Même sans restaurant ni boutique, il n’y a pas moyen de mourir de faim à Tocana !

D’autant plus que le village est producteur du coupe-faim le plus répandu dans la région : la coca. En nous perdant un peu dans les champs avoisinants, nous avons pu observer les hommes, femmes et enfants travaillant la terre aride afin d’y faire prospérer la plante sacrée de la vallée.

Nous avons quitté la région en redescendant à pied vers le carrefour routier de la vallée. En moins de 3h, nous étions de retour à La Paz. Pour nous remettre de nos privations culinaires des derniers jours, nous nous sommes offert un restaurant… chinois ! Serions-nous en manque d’Asie ?

Pas vraiment. L’Amérique du Sud a tellement à offrir.

Prochaine étape : Cochabamba !

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