Une vision fantomatique de l’ère coloniale

Au fur et à mesure que nous nous éloignons de Hpa-An dans le chaotique bus local qui va nous mener à notre prochaine destination, nous profitons une dernière fois des paysages de cet endroit qui nous aura tant touché.
Ponctué par une panne et une réparation impressionnante d’efficacité, nous arrivons finalement à Mawlamyine.

C’est un peu la douche froide : « TAXI ??? » ; « WHERE YOU GO ??? », « WHERE YOU COME FROM ? TAXI ?? », « WATER ? », « TUK TUK ? », « BANANA ? », « WHAT IS YOUR HOTEL ? »
Nous sommes accueillis à la gare de bus dans un chahut phénoménal qui nous ramène à la réalité des choses : nous sommes dans une ville plus touristique que la précédente.
Comme d’habitude quand on nous oppresse, nous préférons faire la route à pied, quelle que soit la distance.
Sur le chemin, nous croisons quelques Guest-Houses. Nous nous faisons refouler de la première (« No foreigners »). Au Myanmar, certains établissements ne sont pas agréés par le régime militaire pour accueillir les étrangers. Je pense qu’ils seraient prêts à nous laisser à la rue plutôt que de subir le retour de flammes du gouvernement suite à ce type de transgression. L’état touche effectivement un pourcentage de nos nuits d’hôtel et ce ne doit pas être le cas dans les établissements affectés aux locaux.
Bref, nous finissons par négocier avec un jeune garçon pour qu’il nous emmène nous deux avec nos sacs sur son petit scooter. Il n’est pas rare de voir des familles circuler à quatre sur une mobylette : notre demande n’est donc pas incongrue 🙂
Nous finissons dans la seule Guest-House référencée par les guides touristiques (Breeze Guest-House). La chambre ressemble à une cage à poule dans une ambiance générale type prison (cellule minuscule et matelas digne d’une natte, fermeture des portes à 22h, pas de Wifi la nuit… un couvre feu qui bouscule notre besoin de liberté).

Mawlamyine est une ancienne ville coloniale comprenant une quantité importante d’édifices à l’architecture européenne, notamment un bon nombre d’églises. La plupart de ces bâtiments semblent assez désuets et peu entretenus. Autant être clair, cela ne nous fait pas très bonne impression !
La population comporte un fort pourcentage de personnes d’origine indienne, ainsi que de nombreux musulmans. Les mosquées animent l’ambiance générale à l’heure de la prière.

Le lendemain, levés de bons pieds (quatre exactement – bien que Sarah ait failli perdre une cheville la veille suite à une mauvaise chute sur les routes « gruyère » de la ville), nous décidons de prendre les choses en main et de ne pas subir notre négativisme de la veille. Lors de nos balades dans le centre, nous avons croisé une Guest-House qui avait ouvert 3 mois auparavant et sans aucune mesure avec la « prison » qui nous sert actuellement d’hébergement : nous changeons immédiatement pour ce nouvel endroit (Pann Su Wai Guest-House).
Le temps ne nous aide pas dans nos bonnes résolutions : il pleut des cordes. En bons belges que nous sommes, nous décidons de n’écouter que notre courage, de louer un scooter et d’affronter les éléments pour partir à la découverte des 50 km au Sud de la ville.
Nous visiterons de cette manière un Bouddha en construction (14 étages et 263 marches quand même), deux autres statues d’une taille inimaginable, quelques villages et, point d’orgue, la ville qui a accueilli la fin du travail forcé de nombreux alliés pendant la deuxième guerre mondiale et la meurtrière construction du « Death Railway ». Cette fameuse ligne de train devait étancher la soif de conquête nippone en permettant d’alimenter les troupes du front en vivres et bien d’autres choses (le premier train à utiliser la ligne était constitué uniquement de prostituées… l’histoire ne dit cependant pas ce qu’il en était du conducteur).

Je profite également de cette dernière ville pour m’acheter un ‘longwy’. Il s’agit du pantalon local porté par la plupart des Birmans et qui consiste en un bout de tissu cerclé (oui, comme une jupe mais aussi long qu’un pantalon). Je me rends effectivement compte que partir avec un seul short était peut-être un peu optimiste. Il me reste maintenant à apprendre comment réaliser correctement le nœud du longwy… la technique n’est pas simple !
Bref, cette journée fut horrible et intéressante à la fois. Nous sommes trempés jusqu’aux os ! Nous apprendrons par la suite qu’il s’agissait d’une tempête qui traversait le pays.

Après une nuit impeccable, nous décidons de continuer dans l’optique d’éviter cette ville qui ne nous inspire guère. Nous souhaitons visiter l’immense île située juste en face de Mawlayine et qui répond au doux nom de « Ogre Island ». Des excursions y sont organisées pour 20 à 30 dollars par jour et par personne. Ces prix nous paraissent clairement trop élevés et nous nous retrouvons sur une pirogue avec deux vélos loués pour une bouchée de pain, entourés de locaux amusés par notre présence sur l’embarcation.
A peine débarqués, nous subissons quelques railleries que nous ne comprendrons que quelques minutes plus tard. Le passage d’une tempête tropicale ne fait pas vraiment bon ménage avec des routes en terres battues.
Nous parvenons tout de même à avancer sur ces chemins.

Après deux bonnes heures de vélo, nous finissons par nous faire aborder par un local qui souhaite nous faire visiter son village. Nous passons d’ateliers en ateliers, l’artisanat dans ce village étant fortement développé. Nous voyons donc de près le travail du bois pour créer des cannes, des pipes, des stylos et… une pipe d’environ 3 m de long à placer sur le seul rond-point du village : d’un kitsch qui vaut bien les ronds-points Marsupilami ou Boule et Bill de Charleroi.
Les autres ateliers produisent notamment de la corde à base de fibre de noix de coco et des élastiques en caoutchouc à partir de la sève de l’hévéa. C’est vraiment très intéressant à voir et la dextérité de ces personnes est tout simplement impressionnante.

Après deux bonnes heures, nous remercions notre guide d’un jour à qui nous offrons un verre (il ne souhaitait rien d’autre). Il nous accompagnera encore jusqu’au panneau indiquant la fin de son village. Nous avons vraiment l’impression que ce fut une fierté pour lui de nous l’avoir fait visiter.
Nous continuons à visiter l’île et, à l’heure de rentrer sur le continent, nous prenons finalement un bateau différent du premier sur lequel nous aurons une petite altercation avec le commandant qui, entre le départ et l’arrivée, souhaitait multiplier son prix par 4… Nul besoin de dire que nous n’avons pas lâché l’affaire. Toutefois, en revenant à la Guest-House, on nous confirme que ce qui nous avait été annoncé au départ était le prix pour les locaux alors que le gouvernement aurait fixé un prix supérieur pour les étrangers.
Quoi qu’il en soit, ‘Ogre Island’ aura été la bonne surprise de Mawlawyine !

Après une dernière nuit dans notre magnifique Guest-House, nous prenons le chemin de la gare. Aujourd’hui nous attendent 4 heures de train afin d’atteindre ‘Golden Rock’, le fameux édifice sacré tant respecté par les bouddhistes. La suite au prochain épisode !

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4 réflexions sur « Une vision fantomatique de l’ère coloniale »

  1. Génial vos aventures…et surtout très amusant vos réflexes d’européens….pédaler après la pluie….mais où est donc le problème ?…LOL

  2. « Je me rends effectivement compte que partir avec un seul short était peut-etre un peu optimiste » Ju, tu n’imagines même pas à quel point j’ai ri en lisant cette phrase 😉
    J’espère que vous mitraillez les gars, j’attends impatiemment de voir qq photos de votre voyage! Biz

  3. Ca va mieux ta cheville sarah? Attention à votre santé quand même les coco, on ne voudrait pas vous retrouver en 1000 morceaux… Gros bisous de la Belgique enneigée 🙂

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