Caraz – Rencontres à la Cruz des chemins

Il y a plus d’un mois et demi, nous avions rencontré des randonneurs dans les rues de La Paz, en Bolivie. Sur un bout de trottoir, nous avions échangé nos bons plans rando. Un trek semblait alors incontournable au Pérou : le Santa Cruz, dans la Cordillère blanche.

Nous avons rapidement découvert la raison pour laquelle nous avons entendu parlé du  Santa Cruz en dehors des frontières du Pérou : cette randonnée est super connue, et le trek en lui-même est très touristique. Les grosses villes environnantes sont donc des repères de randonneurs truffés d’agences de voyage, ce que nous abhorrons.

Nous avons donc posé nos sacs à dos à Caraz, une ville « point de départ » plus petite que ses voisines. Le jardin d’un petit hôtel a accueilli notre tente pour quelques Soles, la monnaie locale. Reculés dans notre cocon, nous avions une cuisine, des chaises longues et des arbres fruitiers à disposition. Un camping de luxe, en somme !

Notre préparation de trek est à présent bien rodée : en moins d’une demi journée, nous pouvons nous procurer les vivres et le matériel nécessaires pour vivre quatre jours en autonomie. Notre lieu de prédilection pour faire nos achats ? Le marché local.

C’est sur le marché que nous avons rencontré Suzanna, une mamita d’une soixantaine d’années qui tenait une échoppe de snacks et de jus de fruit frais. Dès les premières minutes, la patronne nous a adoptés. Les larmes aux yeux, elle nous relatait les tremblements de terre qui ont dévasté la région, et sa vie. Lorsque nous sommes revenus manger une de ses « papas enroladas » pour la seconde fois en une journée, nous faisions définitivement partie de la famille. Suzanna nous a présenté sa fille, ses petites-filles, et nous a fait promettre de venir lui dire bonjour avant de partir pour le trek (qui semblait être une folle aventure pour elle).

Chose promise, chose due, nous sommes passés par le marché avant de nous mettre en route pour les montagnes. Suzanna nous attendait, avec un pack pique-nique (pains et bananes à profusion). Impossible de payer quoi que ce soit, c’était un cadeau. « Et vous viendrez me voir à votre retour à Caraz, après le trek » (traduction de son espagnol tremblant)? Nouvelle promesse : Oui, nous viendrons.

C’est donc super équipés que nous avons rejoint Cashapampa pour prendre les chemins du Santa Cruz. Moins de cent mètres après l’entrée du site, un Allemand attendait, seul, sur un muret. Il nous a rapidement demandé s’il pouvait marcher avec nous. Nous avons naturellement répondu par l’affirmative. Les heures et jours suivants ont révélé que Thomas ne marchait pas « avec nous », mais « derrière nous », en permanence. Un rapide calcul nous a permis de réaliser que, durant notre premier mois au Pérou, nous avons passé la moitié de nos nuits en trek. Nous avions donc un sacré entraînement, et des journées de marche de 5 à 6h, comme prévu pour le Santa Cruz, ne nous demandent pas d’efforts surhumains, en dépit de l’altitude. Pour autant, nous n’avons pas laissé tomber Thomas et, tels la tête d’un peloton au tour de France, nous avons fendu le vent et tracé la route durant quatre jours, pour lui faciliter la tâche.

La randonnée était plaisante. Le premier jour, nous avons remonté le cours de la rivière.

Les paysages, totalement différents de ceux que nous avions parcourus jusqu’à présent, étaient bucoliques à souhait.

Durant la seconde journée, nous avons parcouru d’immenses plaines en remontant dans la vallée.

Étant plus rapides que prévu, nous avons fait un détour par un lac, situé au creux d’une montagne voisine, avant de revenir camper dans la vallée. D’expérience, nous craignions de dormir en trop haute altitude : le froid nous guette une fois le soleil couché.

L’étape la plus difficile du Santa Cruz se concentre sur la troisième journée. Nous devions escalader un col culminant à 4750m d’altitude.

Difficile pour nous de ne pas comparer l’exercice à l’Ausangate, qui nous a tant plu. Si l’ascension est jolie, les paysages ne détrônent pas ceux qui nous ont définitivement charmés à l’Ausangate. D’autant plus que nous avons rencontré des dizaines et des dizaines de touristes à l’approche du col, ce qui entache un peu la magie des lieux (qui restent majestueux, sans conteste).

S’en est suivie une descente sans fin jusqu’à la rivière, à coté de laquelle nous avons campé.

Le lendemain, en quelques heures de marche, nous sommes ressortis de la réserve.

Le coté touristique du Santa Cruz était ici évident : les enfants des villages, plutôt que de fréquenter l’école flambant neuve qui trône sur la place principale, mendient auprès des touristes.

Nous avons accéléré le pas, vers le dernier village du parcours.

Après un ultime dîner cuisiné au réchaud, le long de la route, nous avons embarqué à bord du « combi » (camionnette) d’une agence qui venait de déposer des marcheurs prêt à parcourir le Santa Cruz dans le sens inverse du nôtre. Nous avons apprécié le confort du transport, et la vue qui s’offrait à nous, durant les trois heures qui nous séparaient de Caraz.

De retour dans la ville, nous avons honoré notre promesse : nous avons rendu visite à Suzanna, au marché. Ne sachant comment la remercier pour ses attentions, nous lui avons apporté un petit cadeau : une photo de nous trois, imprimée par le photographe du coin. Pour maîtriser ses émotions, Suzanna s’est lancée dans la préparation d’un nouveau jus de fruit frais et d’un cake qu’elle nous a offert de bon cœur. Nos verres, une fois vide, ont été immédiatement remplis par ses soins. A nouveau, il était impossible de porter la main au portefeuille. Nous avons plaisanté sur la rentabilité de son échoppe. Mais il ne s’agissait pas de rentabilité. Nous faisions partie de sa famille d’adoption.

Après un dernier passage chez le glacier (ce qui porte le nombre de glaces avalées par Julien à 5, sur deux jours !), nous avons acheté nos tickets de bus de nuit, pour Trujillo. Pour la première fois, nous avons un « service à bord » du bus. Une hôtesse courtement vêtue, perchée sur des talons aiguilles à faire pâlir les randonneurs que nous sommes, nous a servi un snack et des boissons.

Après tant de confort et d’attentions, l’arrivée à Trujillo a été plutôt violente : lâchés à 4h30 dans le noir complet, nous avons rejoint, encore endormis, les bancs du terminal de bus, en attendant le lever du soleil.

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