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San Agustin – Statues mises en jeu au Poker

Depuis que nous avons quitté le Pérou, nous n’avons plus été plongés dans l’ambiance mystérieuse de ruines. Vamos !

Il y a, en Colombie, quatre parcs archéologiques. Cap ou pas cap d’en visiter l’entièreté en un mois ? Les deux premiers se trouvent aux environs de San Agustin, une petite ville transformée en véritable centre touristique. Le ton était donné dès notre sortie du bus : les rabatteurs nous harcelaient, armés de leur carte de visite, pour nous proposer une chambre, une excursion ou un restaurant. Au secours ! Le bon côté des choses, c’est que nous sommes dans ces cas en position de force pour négocier : nous avons déniché un camping pour moins d’1,5 euro par personne, cuisine et douches comprises.

L’endroit nous a tellement plu que nous étions lents au démarrage le lendemain matin. Nous n’avons franchi les portes du parc archéologique que vers 11h, un pique-nique tout frais dans le sac-à-dos. Dix minutes plus tard, c’était la douche nationale. Une dame nous expliquera que le mois de novembre est très pluvieux en Colombie. Son explication : il s’agit du mois des défunts, et le ciel les pleure. En plus du pique-nique, nous avions heureusement emporté nos K-way. Nous étions ainsi équipés, peu importe les conditions météorologiques, pour visiter ce site exceptionnel.

Des centaines de statues en pierre volcanique ont été découvertes dans la région, la plupart à l’entrée de tombes.


La taille de leur tête est disproportionnée par rapport au reste du corps, ce qui caractérise les statues de San Agustin.

Je n’ai pu m’empêcher d’imiter le faciès et la posture des statues rencontrées. Et notre photographe s’en est donné à cœur joie.


Bien qu’il ne soit pas en reste…

De nombreuses questions restent sans réponse : à quoi servaient ces statues ? Leur physionomie représentait-elle celle des défunts ou de divinités ? Les attributs étaient-ils en lien avec les uns ou les autres ?

Le site le plus énigmatique est sans doute la source Lavapata. Il y a plus d’un millénaire, des trous, un réseau de canalisations, et des formes géométriques et animales ont été creusés à même la roche, aiguillant l’eau dans telle ou telle direction.


Si la plupart des statues sont concentrées dans le parc archéologique principal, d’autres monuments sont perdus dans les campagnes environnantes. Deux excursions permettent d’en faire le tour : une excursion à cheval, et l’autre en jeep. A la sortie du premier parc, nous avons interrogé le gardien sur la possibilité de visiter les sites de « l’excursion à cheval », à pied. Il nous a désigné un étroit chemin qui montait à pic à une dizaine de mètres de là : « es este camino ». Et combien de temps devions-nous marcher ? Une heure jusqu’au premier site, une autre heure et demi jusqu’au site suivant, et enfin une bonne heure jusqu’au village. Parfait. Il était 15h30, et il ne nous restait que 2h30 avant le coucher du soleil.

Loin de nous décourager, nous avons accepté le challenge et nous nous sommes lancés à l’assaut du fameux chemin qui montait à pic, avant de redescendre brusquement, pour remonter aussi sec. Les paysages traversés étaient superbes : cultures de canne à sucre, de mûres, de café… A l’avant des maisonnettes, de grandes bâches étaient couvertes de grains de café qui séchaient au soleil. L’authenticité à l’état pur.

Après plusieurs « esta lejos de aqui? » (c’est loin d’ici) et « no, esta cercita » (non, c’est tout proche), nous avons fini par dénicher la perle rare : les deux statues de San Agustin qui ont conservé leur couleur originale.


Ensuite nous avons repris notre rallye vers les deux autres sites du « tour à cheval ». Comme nous le pressentions depuis le départ, nous avons été cueillis par la nuit avant de pouvoir les atteindre. Avec la nuit, sont apparus nos bonnes étoiles : trois colombiens en moto, eux aussi à la recherche des fameuses statues. En moins de 5 minutes, ils avaient déplacé l’ensemble de leurs sacs sur une bécane, et nous avaient chacun chargé sur une autre. A cinq, nous avons visité un dernier site, avant de reprendre la route de la ville.


Pour les remercier, nous avons offert notre tournée de « Poker », la bière locale. Une autre tournée a suivi, puis une autre, puis encore une autre… jusqu’à ce que le supermarché ferme, et qu’il ne nous reste que les bars. Nous avons alors appris comment choisir son bar en Colombie : il faut entrer dans chacun d’eux, et négocier le prix de la bière pour l’ensemble de la soirée, en prenant en compte le nombre de personnes qui composent le groupe des nouveaux venus. Tout un cirque ! Qui n’a pas abouti… le prix proposé n’était pas satisfaisant, nous nous sommes redirigés vers une petite tienda (épicerie), où nous avons fini la soirée.

Le patron de la tienda nous a ensuite raccompagné en moto jusqu’au camping. Nous avions presque oublié que nous étions en Colombie, dans une région encore instable, et qu’il est tout à fait exclu pour des touristes de parcourir de nuit le kilomètre qui les sépare de leur logement.

Le lendemain, nous avons opté pour le tour en jeep. Les derniers sites à explorer, principalement des tombes et sarcophages dont certains ont conservé leurs tons noir, jaune et rouge (ça ne vous rappelle rien) sont en effet inaccessibles à pied.


En chemin, nous avons largement profité des paysages, et de l’usine familiale de sucre de canne.


Une journée dans les tombes ne nous a pas suffit. Nous avons pris la folle décision de rejoindre Tierradentro, un gruyère de centaines de sépultures, à 7h de route de San Agustin. Il s’agit du troisième parc archéologique colombien. Cap ou pas cap de tous les visiter en un mois ? Nous sommes bien partis en tout cas !

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L’Equateur en quelques mots

Vous ne savez pas quel itinéraire choisir en Equateur? Quel est le coût de la vie dans ce pays ? Quel budget prévoir ? Quels sont les musts ? Nous avons tenté de résumer ici de façon concise notre expérience au pays des volcans.

Ce que nous avons adoré

  • la sympathie et l’hospitalité des Equatoriens, qui nous ont accueillis à de nombreuses reprises dans leur humble demeure
  • les randonnées autour et dans les cratères des volcans (El Altar, Quilotoa, Tungurahua, …)
  • l’échelle de l’Equateur : c’est un tout petit pays, facile à parcourir, avec des bus fréquents et abordables
  • la diversité culturelle qui règne encore aujourd’hui en Equateur
  • le musée de la banque nationale à Cuenca, gratuit et très instructif
  • le marché aux bestiaux d’Otavalo
  • la côte, avec un détour à l’île par l’isla de la Plata, et par Agua Blanca

Ce qui nous a moins plu

  • le coût de la vie, extrêmement prohibitif (pour nous, comme pour les Equatoriens). Le fait d’utiliser une monnaie étrangère (USD) comme monnaie nationale rend le pays très dépendant des conditions du marché
  • le nombre de gringos qui se sont installés en Equateur, ce qui dénature certaines villes (Vilcabamba). Les Equatoriens assimilent toute personne blanche à un américain ne parlant qu’anglais, très peu intéressé par la culture locale – un stéréotype à combattre au quotidien.

Budget

Notre budget quotidien en Equateur a été de 10 € par personne, hors logement (soit nous campions, soit nous étions hébergés). Le logement constitue cependant un des postes de dépenses les plus importants pour les touristes : une nuit en dortoir coute entre 7 et 9 USD, alors que le minimum pour une chambre double est de 15 USD.

Le coût de la nourriture et des boissons se décline comme suit:

– grande bouteille d’eau: 0,60 USD pour 1,5l (mais seulement 1,25 USD pour 6l, si vous êtes prêts à balader un bidon)
-soda (33cl): 0,80 USD
– bière (bouteille de 60cl): 1 USD (hors consigne)
– almuerzo completo : 2,50 USD
– fruits pour 1 USD : 3 pommes, ou 2 papayes, ou 10 bananes, ou 1 livre de fraises

Il faut savoir que tous les produits importés sont fortement taxés en Equateur. Vous pouvez donc dire adieu à vos marques préférées si vous voulez faire attention à votre budget !

Trajets en bus: environ 1USD l’heure. En ville, chaque trajet, indépendamment de la distance, coûte 0,25 USD.

« Défunts » arbustes, « cyprès » de la frontière

Il fallait bien que cela arrive un jour. Et ce jour, c’est demain : nous quitterons l’Équateur, et surtout les Équatoriens, dont la volonté de communiquer et d’échanger, la générosité et l’hospitalité resteront gravés dans notre mémoire.

Tulcan est notre ultime étape avant le passage de la frontière. La ville, en ce 1er novembre, est très animée : les hôtels affichent complets, les étals des boulangeries débordent de Guagua (sorte de cougnous de la Toussaint), et chacun se presse dans la rue, une casserole à la main, à la recherche de Colada Morada (voir notre article sur Otavalo).

Le point d’orgue du spectacle, nous l’avons trouvé au cimetière. En temps normal, ce cimetière est déjà une attraction. Selon le gardien des lieux, très fier de son job, il s’agit du troisième cimetière le plus joli au monde (ça existe, ce type de classement?). Une équipe de 16 personnes s’occupent de son entretien. Une fois dans l’enceinte, nous reconnaissons qu’il y a du boulot. Des centaines de cyprès sont soigneusement taillés, et prennent des formes humaines, animales ou simplement géométriques.



Le souci du détail des tailleurs nous a quelque peu surpris.

Le cimetière présentait en outre un intérêt particulier en ce 1er novembre. La Toussaint est une fête sacrée, très suivie en Équateur. Les familles se rassemblent pour aller fleurir les tombes de leurs défunts. Les indigènes, en plus, préparent le repas préféré du défunt et le dépose sur sa dépouille. C’est donc un cimetière multicolore qui s’étend sous nos yeux.

Nous n’avons pas quitté Tulcan sans un détour à la foire au « guagua ». Avec nos derniers 0,43 USD en poche, nous espérions pouvoir déguster un ultime cougnou local. Nous avons donc expliqué notre situation à une vendeuse, qui a accepté de nous vendre un guagua (affiché normalement à 0,50 USD)… et nous en a offert un second, en cadeau d’au revoir à l’Équateur.

Un dernier geste qui résume parfaitement notre expérience en Équateur. Si seulement nos portes pouvaient être autant ouvertes en Europe!

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Equateur – le changement est en marche

Nous avons passé deux mois en Equateur, un pays à peine quatre fois plus grand que la Belgique, et vous avez été nombreux à nous demander « toujours à Quito ? », « pourquoi prenez-vous autant de temps pour parcourir ce pays ? », « quand reprenez-vous la route du nord ? ».

Pour comprendre la raison pour laquelle nous avons prolongé notre séjour en Equateur, il faut remonter le temps. Le 2 aout 2015, des centaines d’indigènes ont entamé une marche de protestation qui les mènera jusque Quito, la capitale. En chemin, ils ont rallié à leur cause les mouvements ouvriers, ainsi que de nombreux citoyens, inquiets du projet du président Correa de modifier la constitution en vue de multiplier le nombre de mandats présidentiels cumulables. Les manifestants réclamaient aussi la modification de la loi de l’eau et de la terre, favorisant l’exploitation de celles-ci au détriment des communautés locales. Le 13 aout, alors que les manifestants arrivaient à Quito, des violences ont éclaté entre la foule et les forces de l’ordre.


Nous sommes arrivés en Équateur début septembre, à un moment clé pour le pays.

Après 8 ans ans de présidence, Raphael Correa est en disgrâce. Le modèle socialiste progressiste qu’il promouvait est en faillite : adieu les promesses de protection des ressources naturelles (et bonjour les entreprises pétrolières et minières), adieu le respect de l’autonomie des communautés indigènes, et adieu la liberté d’expression. La constitution de 2008, saluée au niveau international pour sa modernité, a rapidement déçu, car elle n’a jamais vraiment été mise en œuvre.

Ce qui a par contre été mis en place, et de manière très efficace, c’est la répression. Face à l’opposition, Correa fait usage de l’attirail du parfait dictateur : corruption, copinage, manipulation, et pressions directes ou indirectes sur les opposants.

Nous avons nous même expérimenté ces mesures d’intimidation. A peine arrivés à la manifestation du mois d’octobre, une demi-douzaine de policiers nous ont encerclés et ont exigé que nous présentions nos passeports. Notre présence sur les lieux a été enregistrée. A nos questions pressantes, un agent a finalement répondu que nous étions des « éléments potentiellement subversifs ». Nous n’avons récupéré nos documents d’identité qu’avec l’aide d’Équatoriens, venus s’enquérir de notre sort. Nous avons ensuite été, comme tout manifestant, filmés par des drones et photographiés par des militaires postés en haut des buildings avec des téléobjectifs. Nous étions fichés, simplement parce que nous avions marché quelques kilomètres avec les indignés.



Correa a su s’entourer d’hommes de confiance. Il a ainsi réformé l’armée (le chef des armées qui prendra ses fonctions en mars prochain est un supporter indéfectible du Président), le pouvoir judiciaire (la Cour constitutionnelle est maintenant entièrement à sa solde), les syndicats (créant des syndicats parallèles aux syndicats originels, avec comme objectif de diviser le mouvement), et le monde des médias (les grands journaux appartiennent à présent à des proches du pouvoir, à l’exception de « La Hora »).

Parallèlement à ce régime de force, les dépenses dans le domaine social ont été drastiquement réduites : les interventions « soins de santé » diminuent tout comme le montant des pensions de retraite, et les subsides pour le gaz et l’électricité.

Plusieurs associations tentent, malgré la répression, de fédérer les opposants, d’assister les victimes et de penser à l’Équateur de demain. L’Observatoire de Justice et des droits des peuples indigènes fait partie de ces acteurs. Son objectif est double : dénoncer la criminalisation des mouvements sociaux (lire : les arrestations arbitraires et autres intimidations lors de manifestations ou réunions) et penser à un système permettant la cohabitation de la justice indigène et de la justice traditionnelle.

Dans le cadre des travaux de l’Observatoire, nous avons eu la chance de nous entretenir avec des avocats équatoriens, des leaders indigènes, des profs d’unif, des délégués syndicaux, des défenseurs des Droits de l’Homme et d’autres militants. Ces rencontres nous ont permis d’appréhender les cultures locales, et de cerner les enjeux des mouvements sociaux actuels.


En bons Européens qui devaient « produire » quelque chose, nous nous sommes mis au travail. Julien a créé une maquette du site internet de l’Observatoire, a donné des cours d’informatique aux syndicats de l’opposition et a mis en place une base de données permettant de reporter les cas de criminalisation du mouvement social. Sur le plus long terme, nous comptons sur une coopération à distance, afin de médiatiser les problèmes équatoriens trop absents de nos médias.

Si nous devions résumer notre expérience équatorienne, et vous faire passer un unique message, ce serait celui-ci : informez-vous. Informez-vous sur la situation politico-sociale en Équateur, sur les événements du monde ; consultez des blogs et des médias alternatifs afin de vous forger votre propre opinion, et puis répandez l’information par vos propres moyens. La démocratie, c’est bien plus qu’un concept, ça devrait être le quotidien de chaque Homme.

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Otavalo – Défilé d’hommes et d’animaux

Après deux mois d’un rythme un peu particulier, nous avons appuyé sur le bouton « play » de notre voyage en mode sac-à-dos. Peut-être avons-nous heurté par mégarde la touche « lecture accélérée », tant les prochains jours s’annonçaient intenses.

Levés aux aurores, nous avons assisté à un dernier lever de soleil sur le Cotopaxi. Ce volcan voisin a eu la gentillesse de se tenir tranquille durant notre séjour dans la capitale. Son activité s’est cependant accélérée, et deux jours avant notre départ la colonne de fumée qui s’en échappait a atteint la hauteur record de 2km de haut… Il était temps de plier bagage ! Direction : Otavalo.

Les éléments ont tout mis en œuvre pour rendre notre départ de Quito plus aisé. Ce 30 octobre était notre jour de chance : c’était la fête à Otavalo. A peine débarqués du bus, nous avons assisté à un curieux défilé, mêlant l’armée, les délégations des indigènes des villages voisins, et de nombreux groupes de danses traditionnelles.



Des couleurs plein les yeux, nous avons mis le cap vers la lagune de Mojanda, « trois petits sacs-à-dos » dans le Routard. Mais la belle est timide : aucun transport public ne peut nous mener sur ses rives. Il faut prendre un taxi, pour pas moins de 25 USD, ou marcher plus de 20 km en ascension, ou… faire du stop et croiser les doigts pour qu’une voiture aille se perdre dans les montagnes. Notre jour de chance se poursuivant (normal, pour un JOUR de chance), nous avons été embarqués par un groupe de touristes colombiens en moins de 5 minutes.

Le paysage là-haut en valait la peine (que nous n’avons pas eue).


Encore en pleine forme, nous avons décidé d’entreprendre le tour de la lagune, une balade de 4 à 5h. La première heure s’est passée sans encombre.

Ensuite le vent s’est levé, les nuages ont viré au gris, et le tonnerre a déchiré le ciel.

Isolés de tout, nous nous sommes pressés de rejoindre le seul refuge des environs. Et nous avons attendu que la pluie se calme. Nous avons attendu. Un peu. Beaucoup. Beaucoup trop. Julien, n’y tenant plus, a eu l’idée du siècle : pourquoi ne marcherions nous pas sous la bâche de la tente ? Nous serions ainsi protégés des gouttes qui s’écrasaient à une vitesse folle sur le sol. Ni une, ni deux, nous avons mis son plan à exécution, en imaginant la tête de ceux qui croiseraient notre chemin : une tente à quatre pattes , avançant péniblement sur la route transformée en courant de boue.


Plutôt que de continuer la boucle autour de la lagune (trop longue), nous avons rebroussé chemin. Moins d’une demi heure plus tard, comme si elle voulait nous soulager de notre accoutrement, la pluie a cessé. Il nous restait alors 20 km à descendre jusqu’à la ville. Et il était 17h.

Nous avons entrepris la descente, dans un fin brouillard, qui s’est vite transformé en pâte blanche épaisse. Comme pour Cendrillon, nous pouvions encore compter sur notre « jour de chance », jusqu’à minuit. Les phares d’une voiture ont percé l’obscurité naissante. Julien dira que je me suis « jetée sous les pneus de la voiture » pour qu’elle s’arrête. Je dirais plutôt que j’ai fait des signes très explicites, et sans doute un peu alarmistes, qui ont eu pour résultat que, moins d’une heure plus tard, nous étions déposés, sains et saufs, sur la place principale d’Otavalo.

Et les bonnes surprises continuèrent : concert gratuit, agrémenté de danses traditionnelles sur la place, rencontre dans une petite tienda (échoppe) avec un Équatorien travaillant pour la CTB (agence belge fédérale pour le développement). Tout fier, il nous a glissé sous le nez une photo de la bière qu’il avait découverte la veille : une Saint-Feuillien blonde. Devant nos verres de Colada Morada (boisson chaude à base de farine de banane, de jus de mures, d’épices diverses et de morceaux de fruits frais – spécialité de la Toussaint), nous avions les papilles qui frémissaient. Nous nous sommes endormis en rêvant aux pintjes que nous partagerons bientôt avec vous.

L’attraction d’Otavalo, c’est la « feria animales », la foire aux animaux qui a lieu tous les samedis matin sur les faubourgs. Nos yeux, encore mouillés de sommeil, ont eu du mal à croire ce qu’ils voyaient. A l’extérieur de la foire, sur les trottoirs, des dizaines de sacs remuaient. A l’intérieur : des cochons d’inde, des lapins, des poules, des chiots… Et ce n’était que le début.

Une fois dans l’enceinte de la foire, nous ne savions plus où donner de la tête. Des centaines d’animaux, tenus « en laisse » par leurs propriétaires, étaient mis en vente. « Combien donnes-tu pour ma vache, mon cheval, mon cochon ? ».



Afin de se plonger pleinement dans l’ambiance, nous nous sommes donné pour mission de recenser le prix de chaque espèce. Pour info:
– un cochon de 2 mois coûte entre 35 et 45 USD
– une poule adulte coûte entre 6 et 8 USD
– un cochon d’inde coûte environ 4 USD
– un gros lapin coûte 7,5 USD
– un coq adulte coûte 15 USD
– un veau de deux semaines coûte 15 à 30 USD, et une vache de 3 ans coûte 600 USD (un vrai investissement!).

Quand les chiffres nous ont donné le tournis, nous avons grimpé sur une butte pour prendre notre petit déjeuner, composé de pain et de confiture à la papaye maison, vestige de notre établissement prolongé à Quito. De là-haut, Julien s’est en donné à cœur joie pour capturer à la volée des scènes qui nous feront longtemps sourire : un cochon qui se débat et refuse de suivre son nouveau maître, une vache qui prend la fuite et joue à cache-cache derrière les camions, ou au contraire un troupeau de 5 moutons qui se suit à la trace sans broncher.


La feria se poursuivant dans la ville, sous forme de brocante ou de marché artisanal.


Partout, la Colada Morada et les Guagua (espèce de cougnous) décoraient les étals.


Nous avons pris un dernier almuerzo (dîner) au marché, comme nous en avons l’habitude depuis plusieurs mois. Nous adorons l’animation qui y règne, la mixité sociale des consommateurs, et surtout le contenu des assiettes. Pour 1,75 USD, nous nous sommes remplis la panse, et avons fait glissé le tout avec un dernier Colada Morada.


Nous pensions que c’était la dernière fois que nous dégustions ce breuvage, mais nous allions le retrouver à Tulcan, la ville frontière avec la Colombie, vers laquelle nous nous dirigeons à présent. Ce n’était pas un adieu, juste un au revoir.

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Crucita – Des pélicans sur le Mékong !?

Nous l’avions entraperçue à Lima. Cette fois, nous ne la manquerons pas : Vamos a la playa ! En musique, s’il-vous plaît.

Cette décision a eu des effets inattendus sur les faciès des occupants de l’avant du Chicotruck.


Il faut dire qu’elle est superbe, la cote équatorienne : du sable fin, des huttes en bois, et des collines en arrière plan qui protègent ce que les guides de voyage appellent le « mini-Laos ». Pour avoir passé près d’un mois dans ce pays, nous pouvons confirmer que l’ambiance dégagée par les lieux a un petit côté asiatique, avec ses rizières, ses maisons sur pilotis et ses célèbres déclinaisons de verts.



Au petit matin, le spectacle était moins reposant. A Curcita, le retour de pêche ameute tout le village sur la plage. Les barques faisaient des allers-retours vers les grands bateaux de pêche amarrés au large. Elles étaient vidées une à une par des hommes bravant les oiseaux chapardeurs à coups de bâton, pendant que les femmes s’affairaient au tri des poissons, avant de les charger dans des camions, direction les marchés des villes environnantes.



Nous n’avons pas résisté à la tentation de nous frotter aux grossistes et d’acheter directement sur la plage du poisson frais pour le souper. Après d’âpres négociations, nous sommes repartis avec trois belles pièces pour 2 USD. Cédric s’est immédiatement lancé dans le nettoyage de la boustifaille. En soirée, nous les avons étalés sur la plancha, au dessus d’un authentique feu de bois improvisé sur la plage.


A peine éloignés de l’animation de la plage, nous avons été replongés au « mini-Laos ». Un homme pêchait dans un bras de mer avec le fameux filet lesté que nous utilisions à Muang Ngoi.


Flashback en février 2015 (les cheveux de Julien en moins):

Seul indice de notre localisation réelle et actuelle: les pélicans, qui ne nous quittent plus depuis notre arrivée sur la côte.


Après cette grande bouffée d’air marin, nous avons fait une petite escapade dans les terres, à Montecristi. Contrairement à ce que leur nom suggère, c’est ici que sont fabriqués les plus beaux « chapeaux panamas », en paille. Et vu le prix, ils peuvent effectivement être superbes: jusqu’à 500 USD la pièce !


C’est également à Montecristi qu’est né Eloy Alfaro, ex-président de l’Équateur. Sa maison, reconvertie en centre culturel, conserve un charme certain.

Une de mes chaussures n’a pas pu se défaire de ce charme : elle est tombée du Chicotruck et s’est définitivement perdue. C’était le début de la révolution des objets : une chaussure de Julien a également rendu l’âme, notre réchaud et notre alcool ont disparu, et l’écran de notre ordinateur s’est fendu. Tous commencent à souffrir sérieusement du traitement que nous leur infligeons depuis décembre 2014. Allez les gars, plus que 2 petits mois, et puis nous vous mettrons en congé ! En attendant, profitez de la vue. Le bruit des vagues, l’odeur du sel et les couleurs pastels nous feraient tout oublier…

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Mindo’r

Ce mardi 6 octobre, un énooooorme camion s’est arrêté devant notre résidence. En sont descendus : Cédric, un ancien collègue de Julien, Claire, son épouse, et Noa, leur fils de trois ans. Ils voyagent à bord de leur mobilhome, rebaptisé « Chicotruck », depuis près d’un an. Depuis Buenos Aires en Argentine, ils ont remonté le Chili, la Bolivie, le Pérou, l’Équateur, et la Colombie, avant de revenir sur leurs pas, et de croiser notre route.

Pour inaugurer notre rencontre, Noa nous a offert un festival de gamelles : en moins d’une journée il a rencontré un trottoir, une porte et une marche. C’est un vrai Schtroumpf, couvert de bleus, qui nous a accueillis à bord de sa maison roulante. Nous avons donc échangé nos battons de marche contre une place confortable à l’arrière du Chicotruck pour une dizaine de jours. C’est parti pour l’aventure à 5 !

Ca secoue, ça tremble, ça tombe… il nous a fallu quelques minutes pour trouver une place sure et confortable dans l’habitacle en mouvement. Mais une fois que nous avons trouvé nos marques, nous avons eu l’agréable impression d’être les heureux passagers d’une croisière de luxe, faisant arrêt où le capitaine le désirait, pour un repas, pour une nuit, ou simplement pour un petit break.

Nous avons fait notre première halte à Mindo, à une centaine de kilomètres de Quito. Cette petite ville plutôt calme a accueilli le Chicotruck au bord d’une rivière pour la nuit. Plutôt que de planter notre tente aux côtés du mobilhome comme prévu, Claire et Cédric ont transformé leur canapé en nid douillet pour backpackers. Sur la dizaine de nuits passées ensemble, nous n’aurons monté notre tente pas plus de 2 fois. Une vraie croisière 5 étoiles !

Voyager au rythme d’un enfant, c’est prendre son temps là où nous nous précipitons parfois, c’est regarder les choses avec ses yeux, et c’est faire appel à notre créativité pour répondre à ses questions. Mais c’est aussi… collectionner les réveils matinaux, ce qui ne manquait pas de charme !

Levés au « chant du Noa », nous sommes partis à la recherche des princes de Mindo : les colibris. Nous en avons trouvé des dizaines dans un centre d’observation. La mélodie qui se dégageait du lieu était un subtile mélange de chants d’oiseaux et de battements d’ailes. Les colibris sont en effet les Schumacher des oiseaux équatoriens : ultra rapides, ils fuient les appareils photo. Notre patience (au bout de quelques heures) a fini par payer.

Une fois les clichés dans la boîte, nous avons rejoint la cascade de Nambillo pour poursuivre le concours Schtroumpf initié la veille.

Haute de 15m, cette jolie cascade est mise en valeur par quelques infrastructures : des ponts, des balançoires, un toboggan, quelques piscines et un plongeoir.

Il n’a pas fallu 10 minutes pour que les mâles de la bande s’élancent dans le vide, à grand renfort de cris.


Échauffée par leur exploit, je me suis également avancée sur le promontoire, et ai décidé de me lancer. La chute n’en finissait pas, et j’ai basculé vers l’arrière. Résultat : un joli plat sur les cuisses, et deux énormes bleus de plus de 15cm de diamètre.

Nous vous épargnons les photos de ce désastre, et préférons publier les photos des Équatoriens qui, nous voyant saliver devant leur barbecue, ont partagé leurs saucisses et patates rissolées.

Nous n’avions finalement rien à leur envier. De retour au Chicotruck, Cédric s’est attelé à la préparation de cocktails, tandis que Claire nous a sorti des incroyables pizzas maisons à la poêle. De quoi animer une belle soirée entre potes. Une parmi les dizaines que nous allons vivre ensemble.

Mind(o) de rien, du cinq étoiles…

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Macas… Quête !

Macas? Mais c’est où, Macas? Embarqués à l’arrière du pick-up de Miguel, nous ne cessions de nous demander où se situait notre destination du jour. Dépourvus de livre de voyage, nous ne pouvions pas placer la ville sur la carte de l’Équateur. Nous nous sommes rendu compte plus tard qu’elle était à la limite de la forêt amazonienne, à l’est du pays, bien loin de notre itinéraire originel. La fameuse boussole des rencontres nous faisait découvrir une partie méconnue de l’Équateur.

Installés à l’arrière du pick-up, nous avons profité d’une vue superbe pendant une dizaine de kilomètres. Alicia et Jacquelina nous y avaient aménagé un petit nid douillet, à grand renfort de matelas, cousins et couvertures. Et puis, la pluie s’est invitée à la fête. Miguel, embêté, nous a présenté une grande bâche noire, que nous avons déployée sur nos têtes. C’en était fini du joli paysage. C’était le début de longues heures dans le noir complet, ponctuées d’arrêts de notre chauffeur, inquiet de notre condition.

De notre côté, nous nous amusions de la situation, jusqu’à en pleurer de rire.

Nous avions en outre un nouveau compagnon : un petit chat adopté par Alicia, qui faisait route avec nous dans la benne, enfermé dans un sac en plastique. Nous l’avons baptisé Dexter.

Au fur et à mesure des heures, Dexter se montrait de moins en moins patient. Il a transformé son sac, que nous avions gentillement ouvert, en véritable passoire, et seules nos mains retenaient sa fuite. Vers 21h, il a découvert, avec nous, sa nouvelle maison. Fatigués par la route, nous sommes tous partis faire un somme.

Objectivement, il n’y a pas grand-chose à faire à Macas. Nous avons interrompu la personne en charge de l’office du tourisme en plein film. A contre cœur, elle a appuyé sur le bouton pause, nous a soufflé qu’il y avait une église, un mirador, un centre d’interprétation interculturel et un parc zoologique à visiter dans les environs. Après nous avoir remis un plan de la ville, elle a attrapé ses écouteurs et est retournée, soulagée, à ses vidéos en ligne.

En une demi-journée, nous avions fait le tour des trois premiers sites renseignés.

Après avoir partagé le dîner avec Alicia et Miguel, nous sommes partis à la découverte du parc zoologique, peuplé de singes surexcités, d’oiseaux plutôt timides, et de quelques créatures dont nous ignorions le nom.

Tout comme à Cuenca, les cages nous mettaient mal à l’aise, même si officiellement ces animaux sont hébergés dans le parc de manière temporaire, parce qu’ils sont blessés ou qu’ils ont échappé à la contrebande, en attendant leur réinsertion dans leur milieu naturel.

Certains d’entre eux étaient déjà libres, et avaient appris beaucoup aux côtés des hommes. Un singe plutôt malin nous a fait les poches, glissant sa main dans les fentes, et défaisant les tirettes.

A notre retour à la maison, Miguel avait décidé de nous faire visiter les environs plus éloignés de Macas. A l’aide de son fidèle pick-up, nous avons découvert une statue de la Sainte Vierge sur les hauteurs, les places des villages voisins, un pont surplombant un rio (ruisseau), un autre rio, encore un autre rio…

Tout devenait une attraction incontournable aux yeux de nos hôtes.

Le clou du séjour, ça a été notre dernier souper, chez Jacquelina, la sœur de Miguel. Ensemble, nous avons cuisiné pendant des heures, pour préparer la spécialité locale, l’ayampaco.

Alexis, le fils de Jacquelina que nous avions rencontré à Puela, nous a rejoint avec sa femme et sa fille. D’autres membres de la famille se sont joints au festin, et la table est bientôt devenue trop petite.

Tous tentaient de nous faire découvrir quelque chose : les fèves de cacao fraîches, les limes au sel, la canne à sucre à mastiquer…

Ayant très peu voyagé, il leur était difficile d’appréhender notre réalité européenne. Un autre continent, un autre climat, une autre culture… mais une même curiosité, réciproque. Les au-revoirs ont été difficiles, et nous nous sommes promis, un peu naïvement, que nous nous reverrons, en Amérique du Sud ou en Europe. En attendant, le miracle nommé internet nous permettra de rester en contact.

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Puela – Fanfares, taureaux et bien plus !

Voyager sans guide de voyage ne nous réussit pas toujours (voir notre recherche vaine des lagunes près du cratère d’El Altar). Mais parfois, cela nous réserve d’excellentes surprises !

Après nos quelques jours d’exploration autour du volcan, nous souhaitions rejoindre Banos, une ville thermale. Nous pensions que nos petites guibolles avaient bien besoin de se détendre dans les eaux chaudes des bains. Nous avons donc demandé quel bus pouvait nous y emmener.

La réponse apportée à cette question a définitivement changé le cours des 4 jours suivants. « Vous devez d’abord prendre le bus pour Puela, et ensuite un second bus pour Banos. Mais les transports sont sans doute perturbés, car le village de Puela fête la Saint Michel ».

Fête ? Vous avez dit « fête » ? C’en était trop pour les oreilles de Julien, qui avait déjà décidé que Puela deviendrait notre destination finale du jour. Moins de trente minutes plus tard, nous prenions un bain de foule sur la place du village (située en réalité au carrefour des deux uniques rues du bourg, agencées de manière perpendiculaire). Suivant le mouvement, nous avons rapidement fait la connaissance de la star du jour : une statuette d’environ 1m de haut, adorée par des dizaines de fidèles, qui représente Saint Michel terrassant un tout petit dragon.

Si le village de Puela est minuscule, les cérémonies entourant la Saint Michel drainent les habitants des vallées environnantes, ce qui a pour conséquence que la densité de la population explose. L’église était trop petite pour contenir l’ensemble des fidèles. La solution ? Sortir les bancs sur le terrain de basket voisin.

La raison de cet engouement particulier résulte de l’activité intense du Tungurahua, le volcan voisin. Saint Michel serait le protecteur du village contre les éruptions. Et les habitants en ont bien besoin : le Tungurahua crache en effet des cendres de manière régulière, et nous avons assisté à pas moins de deux éruptions lors de notre court séjour à ses pieds.

Bien que nous nous joignions aux craintes des fidèles, la messe organisée sur le terrain de basket n’en était pas moins assommante. Après une heure (montre en main) de « Je vous salue Marie », nous avons pris la sage décision de nous éclipser. Grand bien nous en a pris: les autres bancs n’ont été désertés que plus de 2h plus tard… Et ce n’était en réalité que le début : Saint Michel a ensuite été baladé dans les (deux) rues, suivi de l’orchestre et d’une centaine de badauds.

Pendant ce temps, nous nous sommes réfugiés dans un stand de nourriture typique.

Notre présence en ces lieux n’est pas passée inaperçue. Nous étions en effet les seuls touristes de la fête et Julien, avec sa coupe de cheveux explosive, est facilement repérable. Les tenanciers se sont donné pour mission de nous faire goûter les spécialités locales, du porc à la broche à la liqueur maison, en passant par le pain à l’anis. En échange, nous posions de bon cœur sur leurs photos souvenirs.

Le résultat, au bout de près d’une heure de ce petit jeu, était sans appel : nous étions devenus amis. Et les amis ne paient pas leurs consommations. Impossible de sortir un dollar de nos poches.

Cette expérience, nous l’avons vécue pas moins de trois fois en l’espace d’une journée. Près d’une heure plus tard, Pierre, un Équatorien d’origine africaine, nous offrait des friandises maison à la noix de coco.

Le summum, nous l’avons vécu avec Miguel et sa famille. Rencontré une première fois alors que nous nous baladions dans les environs du village, Miguel a recroisé notre route lorsque nous cherchions un endroit pour poser notre tente. Spontané et extraverti, sa réaction ne s’est pas faite attendre : nous DEVIONS camper chez lui, dans le jardin de la maison familiale. Et de nous embarquer immédiatement à l’arrière de son pick-up (nous étions à l’autre extrémité de sa rue, c’est à dire à 200m de chez lui, mais tout de même, il fallait prendre la voiture – le carburant ne coûte rien en Équateur, pays producteur de l’or noir).

Premier arrêt: la maison d’un lointain parent, qui possède des chèvres. Leur lait vaut une véritable fortune (4 dollars le litre, contre 50 cents le litre pour le lait de vache), compensée par des propriétés et un goût uniques.

Second arrêt : l’arène. Les jeunes de la région s’étaient donné rendez-vous sur ce terrain sablonneux, afin d’affronter cinq bovins plus ou moins excités. Pas de véritable combat, et encore moins de mises à mort ; l’idée était simplement de « jouer » avec les taureaux, à l’aide de couvertures ou de pull-overs en guise de cape rouge à agiter devant l’animal.


Les spectateurs avaient aménagé des gradins dans les bennes de camionnettes, ce qui en soi valait le détour.

Au soleil couchant, nous avons retrouvé Miguel, mais aussi son épouse Alicia, ses sœurs Jacquelina et Lorena, ses neveux Alexis et Veroniqua, son petit neveu Nicolas, et ses parents Juan et Blanca. Tout ce petit monde s’est serré dans la cuisine, alors que Jacquelina et Alicia s’affairaient pour nous sustenter. Après un bref conseil de famille, il a été décidé que nous DEVIONS dormir dans la cuisine, auprès du feu,car il ferait trop froid dehors (ils ignoraient que, la veille, nous avions les pieds dans la neige, et que nous n’avions pas bronché).

Avant de tomber dans les bras de Morphée, nous avons rejoint une dernière fois l’arène, éclairée d’une dizaine de foyers. Chaque famille du village avait amassé du bois, avant d’y mettre le feu, au son de la fanfare. Il s’agit d’un hommage à la nature, perpétué depuis des dizaines d’années.

Passage obligé avant de rentrer à la maison : la statuette de Saint Michel, qu’il fallait impérativement saluer.

« Et demain, vous allez à Banos ? Nous retournons à Macas. Macas est très joli. Vous pouvez venir avec nous si vous voulez. » Après quelques minutes de réflexion, nous avons opiné du chef : va pour Macas !

Le lendemain l’ambiance à Puela ressemblait, à s’y méprendre, à  celle carnavalesque des Chinels de Fosses-la-Ville. Levés de bonne heure, nous avons préparé du thé à la cannelle, agrémenté d’alcool de canne, en quantité astronomique. Certes la famille était nombreuse, mais les destinataires premiers de cette boisson étaient les membres de la fanfare, qui faisaient halte dans chaque maison pour jouer un morceau, et surtout pour boire un coup.


Avançant de maison en maison, la fanfare a fini sa course dans la salle des fêtes, où un repas était offert à tous les participants.

Nous n’en avons pas pleinement profité, car notre estomac était déjà bien rempli. Nous sortions en effet d’un cours de cuisine avec une voisine. Elle nous avait enseigné l’art de préparer des « Tortillas a la piedra » durant… près de trois heures.

Des centaines de petites galettes salées ont rôti sur le feu de bois.

Après un dernier passage de l’effigie de Saint Michel, nous sommes monté à bord du 4×4 de Veroniqua, direction Riobamba. De là, nous prendrons la route pour Macas, avec Miguel, Alicia et Jacquelina.

Notre seule boussole : les rencontres que nous faisons sur le chemin.

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El Altar – retour aux sources

Au fur et à mesure du voyage, nous comptons de plus en plus sur notre capacité à improviser. C’est ainsi que nous sommes partis en rando vers le volcan El Altar. Julien avait vaguement recueilli quelques infos sur internet, qu’il avait ensuite griffonnées sur un bout de papier. Cette feuille A4, pliée en 8, constituait notre unique guide de voyage pour les prochains jours.

Heureusement, nous avons pu compter sur l’amabilité sans faille des Équatoriens pour nous indiquer quels bus prendre de Riobamba à La Candelaria, point de départ de la rando. Nous avons également pu compter sur leurs conseils pour débusquer un endroit où planter notre maison portable, en attendant de nous lancer à la conquête du volcan le jour suivant. Unanimement, ils nous ont désigné un carré de pelouse situé à coté du bâtiment inoccupé du ministère du tourisme. Le petit plus : nous avions des sanitaires, de l’eau courante, et de la lumière, aux frais de la princesse !

Le lendemain, les choses sérieuses, et même très sérieuses, ont commencé. Ça montait sec ! Au beau milieu de cette ascension de plus de cinq heures, Julien a déplié son « guide de voyage » pour constater qu’en effet, El Altar est le cinquième plus haut volcan d’Équateur. Ceci expliquait donc cela…

Sur le chemin, il n’y avait personne, à part des chevaux, des vaches et des oiseaux multicolores.

Même le refuge situé dans la plaine faisant face au volcan était désert. L’ensemble de bâtiments ressemblait à un village fantôme. Un rapide coup d’œil par une fenêtre a confirmé nos premières impressions: des centaines de vers se battaient sur une peau de vache encerclée de sang séché, et les sanitaires n’étaient qu’un ramassis de boues (ou autre), devenu le terrain de jeu d’insectes variés.

Nous avons rapidement foutu le camp, pour le monter (notre camp), de l’autre côté de la plaine.

Le chemin jusque là n’était pas aisé. En effet, la plaine est creusée par des dizaines de petits cours d’eau, issus des glaciers et cascades des montagnes environnantes. Nos chaussures n’ont pas résisté à l’idée de se rafraîchir dans ces mini-rivières (un pas de travers et nous nous enfoncions de plusieurs centimètres dans ce gigantesque marécage). Les choses se sont compliquées lorsque nos pantalons ont eu la même envie… (le niveau de l’eau était supérieur à celui de nos genoux). Nous avons fini par traverser l’ultime cours d’eau en petite tenue !

Et tant que nous y étions, nous avons sorti la bassine, le savon écologique et avons pris notre courage à deux mains pour prendre une douche nature dans cette eau glacée. Après quoi, nous nous sommes glissé dans nos sacs de couchage, et avons joué à « mots-mêlés » pendant des heures, avant de nous endormir en nous disant que ce style de vie-là, nous l’adorons !

Ce que nous avons nettement moins adoré, c’est de nous perdre le lendemain dans une végétation très dense, où chaque pas était un exploit en soi. Le chemin vers la lagune du volcan n’était pas indiqué, et comme il n’y avait pas âme qui vive dans le coin, personne ne put nous renseigner. Quant à notre feuille A4, elle ne contenait aucune information sur le sujet.

Au bout d’une heure et demi, Julien a repéré un chemin sur la crête, et au prix de quelques efforts supplémentaires, nous avons rejoint le sommet.

Les notes de Julien précisaient qu’il y avait plusieurs lagunes dans le coin. Après s’être reposés quelques minutes, nous avons donc continué notre exploration. Nous ignorions la direction à prendre, et avons emprunté un sentier qui s’est révélé être l’œuvre d’animaux, et non de l’Homme. Nous avons cherché en vain d’autres lacs, escaladant les montagnes pour avoir une meilleure vue.

La seule chose que nous ayons trouvée est de la neige, encore de la neige, et toujours de la neige. Nous ignorions notre altitude, mais une chose était certaine, nous étions haut, très haut !

Plus tard, en redescendant vers la vallée, nous avons croisé deux touristes (des Belges – nous défions toutes les statistiques! Voir nos rencontres à Cuenca). Elles nous ont informé qu’il n’y avait pas d’autre lagune de ce coté de la montagne, ce qui expliquait l’échec de nos recherches.

Encouragés à l’idée de retrouver notre carré de pelouse à côté du bâtiment du ministère du tourisme, nous avons enchaîné ce jour-là près de 9h de marche. Un autre élément renforçait notre motivation : nous savions qu’il était possible d’acheter, à La Candelaria, du fromage frais et du lait tout droit sorti du pis de la vache. Ces choses simples nous semblaient être de vrais trésors, qui justifiaient un réveil à 6h du matin pour replier la tente et rejoindre la « maison à la porte bleue » (en réalité la laiterie) du village.

Le fermier, amusé par notre démarche, nous a fait entrer dans sa maison pour nous expliquer le mode de fabrication du fromage. Nous sommes repartis avec notre lait, tout chaud et non pasteurisé.

Moins d’une demi-heure plus tard, il frétillait dans notre casserole, avec l’avoine, les pommes et la cannelle. Un petit-déjeuner de roi !

Ce trek aura été un vrai retour aux sources, aux choses simples, au plaisir de confirmer que l’on peut vivre avec un rien, et avoir l’impression de tout posséder.

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