Nous sommes bien partis pour effectuer un tour complet des villes saintes d’Inde. Après Bodhgaya, c’est maintenant au tour de Varanasi de nous accueillir !
Et quelle ville sainte ! Varanasi est aux yeux des Hindous la ville sacrée par excellence : le Gange y est adulé depuis la nuit des temps, et le cycle de la vie se déroule à son rythme.
A peine arrivés, nous devons d’emblée emprunter des ruelles sinueuses qui nous invitent dans les méandres de la vieille ville à la recherche d’un logement. Il est près de 22h et les ténèbres donnent un aspect assez effrayant aux lieux. Nous ressentons que cet endroit, où les vaches sont reines, est empreint d’un profond caractère. Avez-vous déjà arpenté les ruelles du vieux Namur ? Divisez-en la largeur par deux ou trois, ajoutez des taureaux avec des cornes à faire pâlir un toréro, les bouses qui vont avec les vaches, les odeurs d’urines qui ne se dissocient pas des ruelles et les mouches par centaines qui y trouvent bien évidemment leur bonheur. Bienvenue à Varanasi !
Et pourtant, malgré ce tableau peu flatteur, je le reconnais, nous tombons tout de suite amoureux ! Quel caractère, quelle énergie ! Nous signons directement pour quatre nuits à l’auberge afin d’être certains de pouvoir profiter au maximum de ces lieux. Et le soleil une fois levé ne nous donne pas tort: les ruelles de la veille offrent un spectacle varié et animé: une dame repasse avec un fer à charbon, un type vend une sorte de yaourt fait maison à base du lait des fameuses vaches sacrées, et des femmes en sari coloré tiennent de minuscules échoppes.
Un réveil à 05h00 nous permet d’assister aux ablutions dans le Gange : les pèlerins se purifient de l’ensemble des péchés qu’ils auraient pu commettre dans leurs anciennes vies. Ils s’immergent dans le fleuve à plusieurs reprises, en boivent quelques gorgées et se laissent ensuite aller à différentes activités. Les enfants barbotent, les adolescents plongent, les adultes font leur lessive. Bref, ça vit !
A quelques mètres de là, un rituel est exécuté tous les matins en l’honneur du Gange sacré.
Pendant la journée, nous pouvons observer des cours de Yoga, des diseurs de bonne-aventure, des barbiers qui semble avoir du boulot à n’importe quelle heure (même la nuit, à la lueur d’une lampe torche), des gosses qui jouent au cricket, des cérémonies de mariage en permanence, etc, etc. Incroyable ! Nous sommes complètement subjugués par les lieux malgré la chaleur écrasante qui avoisine les 42° Celsius à l’ombre.
Les heures les plus supportables sont très tôt le matin ou tard le soir. Nous décidons donc de nous offrir une inévitable balade en bateau à rame, au coucher du soleil. Le spectacle est magique. Cette fois, le fleuve s’illumine des rituels du soir, toujours en l’honneur du Gange. Toujours la vie, la vie et encore la vie. C’est dans ce moment d’extase visuel qu’un aspect difficile à aborder par nous, pauvres occidentaux, nous claque en pleine figure au détour d’un coup de rame dans un objet flottant à la surface. Un corps humain trace tranquillement son chemin sur le Gange, blanc et sans vie. Le batelier ne semble pas affecté d’une quelconque manière et nous continuons simplement notre route.
La mort fait partie de la vie, ici plus qu’ailleurs aurions-nous envie de dire (ou plutôt « ici moins cachée qu’ailleurs » ?). Le tabou n’est pas le même que chez nous et les bûchers qui brûlent en permanence le long du Gange nous le rappellent de manière tout aussi abrupte que ce coup de rame.
Les Hindous ont l’intime conviction que mourir à Varanasi est synonyme de repos éternel pour l’âme: le défunt n’aura plus à subir le cycle des réincarnations. La ville est par conséquent peuplée de vieillards en attente de cette libération ultime.
Ce n’est qu’au bout du troisième jour que nous décidons finalement de nous approcher des rituels de crémation. Pas de photos ici, il va s’en dire. Nous nous sommes simplement assis, un peu en retrait par respect pour les familles, et avons assisté à l’ensemble du rituel. Quelques sourires et gestes nous ont fait comprendre que nous ne dérangions pas. Ce que nous avons vu et vécu est difficile à décrire. Si je m’arrête au faits, je devrais expliquer que la famille porte le corps du défunt à travers le dédale des ruelles sur une espèce de civière en bambou et tente de trouver son chemin jusqu’au Gange. Là, le défunt est trempé dans le fleuve sacré, avant d’être ramené sur la rive où le bûcher se prépare. Une fois le corps déposé sur un amas de bois, de brindilles et de bouses de vache, les proches se rendent au temple pour la cérémonie de bénédiction du feu sacré qui servira à allumer le bûcher. Le moment qui suit est très émouvant. La famille fait plusieurs fois le tour du corps du défunt, avant que l’aîné de la famille, rasé pour l’occasion et drapé de blanc, n’allume le bûcher. Tout le rituel est empreint de beaucoup de spiritualité, de dignité, de poésie, et de respect. Les mots me manquent pour transmettre totalement ce que l’on peut ressentir à ce moment. Quatre heures plus tard, si tout va bien et que la famille a eu les moyens d’acheter suffisamment de bois, la famille répand les cendres dans le Gange, tandis qu’à 50 mètres se déroulent toutes les scènes déjà décrites précédemment. Qu’ajouter de plus? La vie reprend rapidement ses droits…
Afin de se remettre un peu de ce flot d’émotions et d’humanité, nous faisons, le temps d’une journée, une petite excursion à Sarnath : encore un lieu saint, pour les bouddhistes cette fois! En effet, c’est à cet endroit précis que, après avoir atteint l’illumination à Bodhgaya, Bouddha a prêché pour la première fois à ses disciples. Le lieu est très serein et tombe à pic pour prendre un peu de recul ! Nous visitons quelques temples érigés par les nations du bouddhisme, comme à Bodhgaya, et flânons un peu dans le parc archéologique.
Retour à Varanasi, pour vous présenter ceux que nous avons baptisés « les illuminés ». Comme partout, il y a quelques croyants assez extrême. J’ai par exemple dû ranger mon appareil photo par deux fois car certaines personnes considèrent que Varanasi est une cité trop sacrée pour que l’on puisse prendre des photos de quoi que ce soit. Il y a aussi toute une série d’occidentaux qui étaient censés être de passage dans la ville mais qui y sont restés. Pas sur le bûcher, je vous rassure, mais ils ont adopté les coutumes locales et se complaisent dans les rites hindous. Rien de bien méchant. On est juste parfois surpris des conversations qu’on a tenu avec certains d’entre eux. Une russe, convertie en prêtresse, nous expliquait en rigolant qu’elle était devenue complètement dingue, le tout ponctué de quelques coups de son « bâton de prêtresse » sur la tête, comme pour nous le prouver.
Dans un registre similaire, nous avons visité le ‘Golden Temple’. C’est un des lieux hindous en Inde où nous avons rencontré le plus de ferveur. Pour ma part, j’ai été emmené dans une file de croyants. Les gardes m’empêchaient de visiter le temple sans avoir montré du respect envers Shiva. J’ai donc du me laver les mains, suivre un pèlerin fort sympathique et toucher un lingam (symbole de Shiva) afin de me faire « bénir ». Mon compagnon improvisé m’a dessiné des traits horizontaux blancs sur le front et, par ce fait, j’ai pu parcourir le temple librement. Ça a été une magnifique expérience et l’accueil des hindous a été incroyablement chaleureux. Sarah a vécu une histoire similaire dans le temple et en est ressortie avec un troisième œil. Bref, on avait, nous aussi, l’air des fameux illuminés !
Nous quittons Varanasi, encore plein d’images dans la tête et dans le coeur. Nous partons vers une destination qui va intéresser bon nombre d’entre vous… Surprise pour la prochaine brève 😉
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