Depuis quelques semaines, nous avons mis nos visites touristiques entre parenthèses pour faire un arrêt prolongé à Quito, où nous sommes accueillis par un ami.
Se poser dans un appartement après 8 mois de voyage c’est :
– pouvoir déballer son sac et exposer son contenu sans craindre de devoir entreprendre la démarche inverse dans moins de 12h
– être vraiment tout propre, du corps aux vêtements
– retrouver le plaisir de cuisiner trois fois par jour
– se faire des petits caprices à coup de café et confiture maison, de crumble, de cake, de lasagnes et autres surprises culinaires
– profiter d’une radio, d’une TV, et d’une connexion internet ultrarapide, qui nous permet de redécouvrir le visage de François de Brigode quand nous souhaitons prendre des nouvelles du pays
– jouer aux experts des transports en commun dans une autre capitale que la nôtre
– prendre ses habitudes dans les commerces et marchés voisins
– devoir répondre une bonne trentaine de fois aux questions suivantes : De donde eres ? Te gusta Ecuador ? Cuando tiempo vas a quedarte aqui ?
– Et nous de répondre : Sabe donde esta Belgica ? Y Europa ? Es un otro continent, muy lejos de aqui…
Et ce continent, nous le retrouverons le 14 décembre. Ca y est, nous avons acheté nos billets retour ! Nous passerons par Barcelone, en Espagne, avant de remonter vers le plat pays en faisant du stop… histoire de terminer notre escapade comme nous l’avons commencée, le 26 décembre 2014.
Pourquoi l’Équateur s’appelle-t-il Équateur ? Parce que c’est ici, à deux pas de Quito, qu’ont été réalisés en 1736 les relevés permettant de situer la ligne équatoriale. Le camp de base des scientifiques qui ont travaillé sur la question il y a bientôt 3 siècles a depuis lors été baptisé la Mitad del Mundo (moitié du monde), et attire quotidiennement des milliers de visiteurs.
La symbolique du lieu était trop forte pour que nous boudions cette attraction. Nous avons donc pris une grande inspiration avant de plonger dans ce flot de touristes, particulièrement nombreux le dimanche. Un spectacle de musique, de chants et de danses anime en effet la place de ce mini « Disneyland » équatorien.
A deux pas de l’ambiance de Disney, nous avons retrouvé celle de « Mini-Europe ». Un pavillon abritait en effet des maquettes de Cuenca et Quito.
Et soudain, elle était là, devant nous… la ligne jaune séparant les deux hémisphères brillait sous les rayons d’un soleil timide. Impossible de résister ; nous nous sommes lancés dans une séance de clichés pour immortaliser notre passage par la moitié du monde.
Ça, c’est fait ! Après ce bain de touristes, nous avions bien besoin d’un bain de nature. A quelques kilomètres de là, la réserve géo-botanique de Pululahua a comblé notre envie d’air frais. Elle a ceci de particulier que son point névralgique, le cratère de Pululahua, résulte en réalité de l’effondrement du cône d’un volcan. Sa surface, impressionnante par ses dimensions (400m sur 5km), est fertile et cultivée.
Il y a un chemin qui mène directement au fond du cratère. Ou… il y a un petit sentier qui s’avance sur les flancs des montagnes environnantes, et qui semble aboutir à un point de vue de l’autre côté du cratère. Devinez quel est celui qui a retenu notre attention ?
Les fils barbelés que nous avons enjambés cinq minutes après notre départ auraient du retenir notre attention, et la porte grillagée au dessus de laquelle il est indiqué que le chemin est « cerrado para turistas » (fermés pour les touristes) aurait du définitivement arrêter notre progression. Sauf qu’en bons aventuriers que nous sommes, et grâce à notre imagination débordante, nous avons décidé de « ne pas tomber dans le piège » parce qu « ‘ils disent sûrement que les touristes ne peuvent pas aller au point de vue uniquement pour s’assurer que tout le monde reste sur le même chemin : celui qui descend dans le cratère, où les échoppes sont nombreuses ». La théorie du complot.
Bref… nous avons persévéré. Au bout de moins de dix minutes, le sentier sur lequel nous étions s’est réduit, jusqu’à ce que plus rien ne permette de le distinguer du passage des canalisations d’eau. Nous étions perdus dans la végétation, convaincus que le sentier allait réapparaitre, comme par magie, pour nous permettre de continuer notre route.
Notre persévérance, durant plus d’une heure et demi, n’a pas payé. Nous avons finalement rebroussé chemin, non sans prendre un cliché, sourire aux lèvres, auprès de la porte grillagée qui nous barrait l’accès à ce cauchemar qui a duré 3h30 au total.
Parfois, braver les interdictions nous apporte de belles surprises. Mais il arrive également que ces interdictions se justifient. Allons nous retenir la leçon ? J’en doute… parce que finalement, la vue depuis ce sentier inexistant valait tout de même le détour.
Pari réussi ! A notre arrivée à Cuenca, personne n’a tenté de nous vendre de l’eau… (voir nos aventures à Vilcabamba). Les rues, un samedi soir, étaient remplies de jeunes imbibés d’autres liquides. Ça criait, ça chantait, et ça dansait à la sortie de tous les bars.
Dans cette gigantesque foire, nous avons eu quelques difficultés à trouver un logement. Vers 1h du mat’, nous avons finalement déniché deux lits dans un dortoir occupé par cinq compatriotes féminines (pour un total de 10 lits… la Belgique était présente en nombre!).
Après une courte nuit, nous avons retrouvé Basil et Laurenz, les deux Gantois, et Tom, le Hollandais, avec qui nous voyagions depuis la frontière. Nous avons donc « claqué la bise » à pas moins de 7 belges en l’espace de quelques minutes. Un record difficile à battre !
Ensemble, nous avons fait un détour par le marché, extrêmement moderne par rapport aux infrastructures que nous avons fréquentées jusqu’alors en Amérique du sud. Comme dans un dessin animé des Loney Toones, nos yeux sont sortis de leur orbite en constatant que, comble du confort, il y avait un escalator au milieu du building.
Basil et Laurenz avaient repéré à l’étage un stand d’empanadas (espèces de beignets frits, fourrés au fromage). Nous en avons commandé plus d’une dizaine. Le lendemain, fidèles au poste, nous avons fait une commande identique. Et nous n’avons pas quitté Cuenca sans tapisser notre estomac, en fin d’après-midi, de nouveaux beignets. Notre digestion était facilité par un retour à la terre ferme en douceur, avec l’escalator.
Il faut dire que nous avions besoin d’énergie pour visiter Cuenca en dépit du manque d’heures de sommeil.
Heureusement, les abords de la rivière étaient aménagés de telle sorte que nous pouvions faire des pauses tous les dix mètres, sur des troncs d’arbre joliment décorés.
Les multiples bancs et autres excuses pour faire des photos stupides ont fortement ralenti notre progression, et nous sommes arrivés au musée de la banque centrale peu avant la fermeture.
Après nous être fait foutre dehors proprement, nous nous sommes défoulés dans le jardin jouxtant le musée, en agrémentant les maquettes des environs de quelques « ajouts comestibles en forme d’animaux » : un nic-nac en forme de poisson a rejoint la rivière, alors qu’un lapin se prélassait dans les fourrés, le tout sous la domination d’un oiseau, perché sur les hauteurs. Bref, nous étions redevenus des gosses, secoués par des fous-rires lorsque nous observions à la dérobée la réaction des visiteurs du parc observant nos œuvres.
Nous nous sommes bien calmés en arrivant, une centaine de mètres plus loin, dans la zone des (vrais) animaux, enfermés dans des cages robustes. Pour nous qui avons eu la chance de les admirer dans leur environnement naturel moins de dix jours auparavant, le spectacle était plutôt désolant.
Quelle ne fut pas notre surprise lorsque, face aux perroquets, nous avons découvert… un stand de « Belgian Waffles ». Le comble, c’est qu’il était tenu par un Gantois, qui connaissait Basil. Cela ne nous a pas donné droit à une dégustation gratuite, mais bien à une photo souvenir, postées sur le site internet de 8ème « Belge à qui nous avons claqué la bise » ce 7 septembre. Record battu!
Le lendemain, nous avons décidé de retrouver le grand air, dans le parc national de Cajas. Il s’agirait de l’endroit où se concentre le plus grand nombre de lacs glaciers au mètre carré. Le cadre était enchanteur.
La flore qui pousse parcimonieusement ci et là est caractéristique de l’altitude et du taux d’humidité important qui règne dans la région.
De retour au centre-ville, il était l’heure de nous séparer.
Tom restait à Cuenca, Basil et Laurenz repartaient vers le Pérou, alors que nous prenions la route de Quito, où nous étions attendus. Nous nous rapprochons de l’équateur, géographique!
Une fois en Équateur, nous avons réalisé que le relais des transports ne prenait pas fin à la frontière. Pour rejoindre Vilcabamba, notre destination finale du jour, nous devions encore être bringuebalés durant 6 heures sur des banquettes inconfortables.
Trois choses nous ont permis de tenir le coup.
Premièrement, la première ville équatorienne dans laquelle nous avons posé les pieds portait le joli nom de « Zumba ». Le lien avec la célèbre musique de fitness était tout naturel. Tout comme dans les salles de sport, ces quelques notes étaient une excellente source de motivation (même si, à la longue, le refrain est -un peu- répétitif).
Deuxièmement, nous avons fait la rencontre de deux Gantois (Basile et Laurenz) et d’un Hollandais (Tom) qui assuraient l’animation du voyage. Entre paris débiles (monter sur le toit du bus ou organiser une séance de Zumba -le fitness- dans le terminal de bus de Zumba -la ville-), blagues belgo-hollandaises et concours du fameux jeu du serpent sur un gsm Nokia noir et blanc, nous n’avons pas vu le temps passer !
Enfin (et surtout), les paysages que nous avons traversés étaient tout simplement magnifiques : vallonnés, verts, et baignés, en fin de journée, d’une lumière orange mystique.
Nous sommes arrivés à Vilcabamba aux portes de la nuit. Après avoir déposé nos cinq sacs dans une auberge disposant d’une cuisine, nous sommes partis à la recherche d’une tienda (magasin) afin de préparer le souper. Et c’est à ce moment-là que nous avons eu un véritable choc : nous n’étions pas en Équateur, nous étions à « Gringoland » (le pays des étrangers). Les Gringos rencontrés étaient soit des vieillards, soit des hippies défoncés, parlant tous anglais bien que vivant en Amérique du Sud depuis des années.
Pourquoi ces étrangers se sont-ils établis dans cette petite ville d’Équateur ? Une légende est née à la fin des années soixante, basée sur le constat que de nombreux centenaires habitaient dans la vallée. Serait-ce la pureté de l’air, le label « bio » qui trône fièrement sur les fruits et légumes produits dans la région, ou la qualité de l’eau de la source de Vilcabamba, qui explique cette longévité exceptionnelle ? Ce liquide transparent est en tout cas commercialisé jusqu’en Asie, avec un logo révélateur : un vieillard souriant.
Étant dans la fleur de l’age, nous n’avons pas réellement accroché avec cette ambiance surfaite. La nature environnante valait cependant le détour.
Les quatre mecs (dans le vent) sont partis à la découverte de la réserve naturelle toute proche, située sur les hauteurs de la ville.
Quelques heures plus tard, notre club des 5 s’accordait pour monter dans le prochain bus, direction Loja, et puis Cuenca, où nous espérons ne plus être perçus comme des Gringos anglophones en manque d’eau miraculeuse…
Vous ne savez pas comment choisir votre itinéraire au Pérou? Combien coûte la vie dans le pays ? Quel budget prévoir ? Quels sont les musts ? Nous avons tenté de résumer ici de façon concise notre expérience de sept semaines dans ce pays. Continuer la lecture de Le Pérou en quelques mots→
Nous avons passé beaucoup, beaucoup, beaucoup plus de temps que prévu au Pérou. Au 49ème réveil péruvien, nous avons décidé qu’il était l’heure de reprendre la route vers le nord, vers l’Equateur.
Depuis Chachapoyas, il y a deux moyens de rejoindre la frontière : en rejoignant la côte, ou en restant dans les terres. La première route est plate et droite, et parcourue par un bus unique, la deuxième est accidentée et sinueuse, et différents transports se relayent sur les 300 km de trajet. Est-ce le plaisir d’être serrés comme des sardines à l’arrière d’une camionnette ? Ou de tester la résistance de notre estomac ? Sans suspense, nous nous sommes tourné vers… la seconde option.
Ce parcours était découpé comme suit : Chachapoyas – San Pedro (en mini-van, 1h30), San-Pedro – Bagua Grande (en mini-van, 1h), Bagua Grande – Jaen (en mini-van, 1h), Jaen – San Ignacio (à deux, à l’avant d’un taxi, 2h), et enfin San Ignacio – La Balsa (dans le coffre d’un taxi, 1h).
Les paysages traversés nous rappellent curieusement certains panoramas d’Asie : rizières, végétation tropicale et collines en arrière-plan.
Nous avons réparti le « plaisir d’être serrés comme des sardines » sur deux jours, et avons passé une nuit à Jaen, dans un hôtel miteux à coté du terminal de taxi. Alors que la nuit était déjà bien avancée, nous avons déposé nos sacs dans la chambre (qui disposait d’une curieuse ouverture donnant directement sur le toit), et nous nous sommes mis en quête de nourriture. Jaen est décrite dans le Lonely Planet 2015 comme « un centre agricole en expansion qui possède une mauvaise réputation liée à la délinquance et à un grave problème de dengue». Bref, ça ne nous donnait pas spécialement envie de parcourir la ville de nuit, à la recherche d’un casse-croûte. Nous avons trouvé une minuscule « tienda » (magasin de quartier), animé par deux clients complètement ivres, et avons dévalisé les rayons : pain, carotte, pomme, jus de fruit… notre dernier festin péruvien (qui ne reflète absolument pas la richesse culinaire du pays que nous nous apprêtons à quitter).
Une courte visite à la station essence renforce nos craintes sécuritaires: un garde armé est posté à coté de chaque pompe.
Le lendemain, nous nous sommes réveillés aux aurores pour poursuivre notre route, de Jaen à La Balsa, la frontière. Nous étions assez fiers du résultat de notre « rallye transports » puisqu’à 10h30 nous étions face au « pont de l’amitié », séparant le Pérou de l’Équateur.
Le hic, c’est que pour passer ce fameux pont, notre passeport devait être décoré d’un cachet de sortie. Or, le bureau de l’immigration était désert. Les policiers présents sur place avaient chacun une explication : l’employé était aux toilettes, était parti manger et reviendrait à midi, voire même « était parti en Équateur » (le comble). Bref, il fallait attendre…
C’est finalement vers midi que nous avons obtenu le précieux sésame de sortie du côté péruvien, et d’entrée du côté équatorien. Nous qui pensions en avoir fini avec les véhicules à 4 roues de tous types, nous nous trompions : un camion vaguement réaménagé en bus (lisez: un camion dont la benne contient une dizaine de planches faisant office de bancs) nous attendait pour nous conduire vers Zumba, et puis Vilcabamba.
En posant les pieds sur le continent sud-américain, nous avions formulé le souhait de profiter pleinement de l’ensemble de ses ressources naturelles : de la plage à la montagne, en passant par ce que nous appelions indistinctement « la jungle ».
La grande question était de savoir dans quel pays, et à quel moment, nous partirions à l’aventure dans la jungle. La forêt amazonienne s’étend en effet sur pas moins de neuf pays, dont la Bolivie, le Pérou, l’Equateur et la Colombie. Nous avons reçu un fameux coup de pouce de Gaëlle et Denis, un couple d’amis qui a parcouru l’Amérique du Sud il y a bientôt un an, et qui nous a refilé leur bon plan : une excursion dans la Selva depuis Lagunas, au Pérou.
Qui dit Selva, dit réserve naturelle, en opposition totale avec « route goudronnée qui vous conduit directement là où vous désirez vous rendre ». Pour rejoindre le point de départ de notre escapade, nous avons dû emprunter un bus de nuit (14h), puis un 4×4 (3h), puis un bateau (6h), et enfin un moto-taxi (30 min). Bref, l’aventure commençait bien avant l’entrée de la réserve.
Nous n’en avons pas l’habitude, mais sous les conseils de Gaëlle, nous nous sommes adressés à une agence pour organiser notre séjour dans la réserve. Impossible de toute façon de s’aventurer dans la jungle sans un accompagnateur multi-tâches (guide-conducteur de pirogue-cuisinier). Au final, nous avons été chouchoutés par l’agence Huayruro et notre guide Llefry, comme s’ils s’étaient donnés pour mission de nous convertir pour le reste de notre voyage aux excursions gérées par les professionnels ! Nos cinq jours dans la Selva se sont révélés être cinq jours de vacances dans les vacances. Bref, du plaisir à l’état pur.
A commencer par la prise en charge à notre arrivée à Lagunas après un marathon de transports : Llefry nous attendait au port (ou devrais-je dire : est monté à bord du bateau pour se présenter et nous prendre en charge). Il nous a conduit à l’agence pour régler les derniers détails, et puis à l’auberge réservée par ses soins pour que nous prenions nos quartiers. Le lendemain matin, il nous a accompagnés sur le chemin inverse : de l’auberge à l’agence, où nous attendait un petit déjeuner de rois : bananes frites, œufs, pains, confiture et café. Miguel, le responsable de l’agence, sa femme et Llefry nous ont accompagnés, à leur manière. Leur menu était sensiblement différent : soupe de poisson et bananes cuites à l’eau.
Moins d’une heure plus tard, un moto-taxi nous a déposés, nous et tout notre chargement, à l’entrée de la réserve naturelle. Nous emportions avec nous un de nos sacs-à-dos, deux matelas, des bottes en caoutchouc, des vivres pour cinq jours, une canne à pêche et un harpon.
Après avoir chargé une pirogue avec notre matériel, nous sommes montés à son bord et avons pris la direction du cœur de la forêt. L’utilisation des moteurs dans la réserve est strictement réservée aux gardes et aux membres des communautés vivant à plus de 3 jours de bateau (à moteur) de Lagunas (15 jours à la rame). Nous avancions donc à la seule force des bras de Llefry qui ramait avec calme, comme si cela ne représentait aucun effort pour lui.
Il ne nous a pas fallu une heure de pirogue pour que nous réalisions à quel point l’ambiance de la Selva nous envoûtait. Et de nous promettre que nous nous rappellerons ces moments à notre retour en Europe, en période de stress intense. Avancer en pirogue au fil de l’eau, au son du chant des oiseaux et du vent dans les arbres, était féerique.
Le mode de vie proposé par Llefry pour ces cinq jours était tout à fait en phase avec notre état d’esprit. Tout à fait libres quant au choix des activités et des menus, nous avons opté pour l’aventure brute : la pêche quotidienne et la préparation de la popote ensemble.
Plutôt qu’un guide et deux touristes, nous avons rapidement formé une équipe gagnante à trois, ce qui a véritablement dopé notre apprentissage de l’espagnol. Après un jour à peine, nous philosophions dans la langue locale sur l’impact de la construction d’une route vers Lagunas (actuellement uniquement accessible en bateau), sur l’écologie au Pérou et sur le mode de vie ancestral des habitants de la Selva. Comme souvent durant notre voyage, nous nous enthousiasmions pour le savoir-faire local, souvent perdu en Europe.
Mais la Selva, ce n’est pas que la bricole avec deux bouts de bois et une liane. C’est aussi, et surtout, le milieu naturel de nombreux oiseaux, singes et reptiles.
Llefry, l’œil alerte, localisait les animaux avec une facilité surprenante, même lorsqu’ils étaient situés à des dizaines de mètres de nous : perroquets, aigles, toucans, singes, paresseux, loutres, tortues, et serpents étaient notamment au rendez-vous.
Non contents d’observer les tortues, nous sommes passés à l’action en participant au programme de l’agence de protection de leurs œufs. De nombreux prédateurs sont en effet friands de ses petites boules blanches, ce qui menace la reproduction des reptiles.
Nous avons été particulièrement chanceux en débusquant un boa sortant de la rivière. Enivré par sa découverte, Llefry a saisi la queue de l’animal afin de mesurer sa longueur (4-5m) avant de la poser au creux de notre paume. La force de l’animal est perceptible. Nous ne faisions pas les malins, et avons calmement reposé notre trésor sur le sable. Il ne faudrait pas qu’il s’enroule autour de nos membres ni qu’il ne nous morde: le prochain centre de santé est à plus d’une journée de barque de notre localisation.
Llefry a illustré à nouveau son agilité et son courage lors d’une expédition de nuit en pirogue. Alors que nous admirions paisiblement les oiseaux nocturnes pêcher, nous nous sentions observés par des dizaines de paires d’yeux, plus ou moins discrètes. Nous étions entourés de crocodiles dont un spécimen de 3 mètres assez impressionnant, posé sur la rive.
A un moment donné, Llefry a arrêté la barque sur un banc de sable, a retiré ses chaussures, et est descendu de l’embarcation, nous abandonnant à notre sort. Après moins de cinq minutes, il est revenu, victorieux… un bébé crocodile dans les mains. Nous avons tous deux eu l’occasion de prendre la bête à bout de bras, avant qu’un quiproquo ne force Julien à relâcher le croco DANS la pirogue, ce qui ne faisait pas partie du programme. A la lumière de nos lampes frontales, Llefry a repris l’animal en charge, avant de le relâcher, ce qui a eu pour effet de nous soulager tous les quatre (Llefry, Ju, le crocodile et moi).
Ce qui par contre faisait partie du programme, c’était la balade à pied dans la Selva. Nous sommes partis le lendemain de bonne heure, équipés de bottes, d’une machette et de bâtons. La forêt était incroyablement humide, au point d’y trouver des escargots et des crabes !
Les singes saluaient notre passage en agitant les arbres, et les papillons (mariposas) ne se posaient qu’une demi-seconde, évitant ainsi l’objectif de Julien. Outre les animaux qui jouaient efficacement à cache-cache avec l’appareil photo, nous avons été emportés par l’ambiance mystique qui régnait dans la forêt.
Llefry était clairement dans son élément : commentant les propriétés des plantes rencontrées (souvent utilisées par les chamans), il nous faisait goûter les fruits de l’un ou l’autre arbre. Sous nos yeux intrigués, il a sectionné une liane afin d’étancher notre soif.
Et c’est après deux heures et demie de marche que la pluie a fait son apparition. Il paraît que ça fait partie des charmes de la forêt amazonienne. Il est vrai que le décor était soudainement différent. Et pour les petits Belges que nous sommes, la gadoue et la pluie nous ont fait nous sentir à la maison !
De retour à notre deuxième campement, nous étions couverts de boue, jusqu’aux hanches.
La solution a été radicale : retirer les pantalons pour les laver à l’eau de pluie, à présent abondante. Julien a poussé le plaisir jusqu’à se mettre en petite tenue, sous la gouttière, afin de prendre une douche nature. Entourée uniquement d’hommes, j’ai opté pour le « quick wash » bassine à l’abri des regards.
Notre premier campement était assez étendu : une dizaine de chambres montées sur pilotis étaient reliées par un réseau de ponts en bois (qui paraissaient un peu ridicules à cette époque de l’année : c’est l’été, et la rivière est relativement basse). Les lieux étaient assez fréquentés, dans la mesure où le campement était proche de l’entrée de la réserve ; fréquentés par quelques touristes, et par des centaines de moustiques qui adorent la peau blanche.
Notre second campement était quant à lui perdu à une journée en bateau du premier. Seul un garde était présent sur place. En tout petit comité, nous nous y sentions comme à la maison, même si nous n’avions ici ni chambre ni douche (nos matelas étaient posés à même le sol, sous un moustiquaire, dans les parties communes d’une cabane montée sur pilotis).
Alors que Llefry et Joël, le garde, nous ont initié à la pêche aux piranhas à la canne à pêche pour le souper, nous leur avons préparé du pain perdu pour le petit déj’.
Joël ne tarissait pas d’éloge sur nos talents culinaires (relativement basiques, lorsqu’on sait comment se prépare le pain perdu). Du coup, le lendemain, nous avons repris du service. Tous deux ont voulu mettre la main à la pâte. Nous avons parié que le petit déjeuner « pain perdu » serait bientôt un classique des tours dans la Selva !
Il était déjà temps de reprendre le chemin du retour, non sans s’arrêter en chemin dans des cabanes délabrées pour préparer, sur le feu, nos almuerzos (dîners) et nos cenas (soupers), invariablement composés de poisson, pour notre plus grand plaisir.
Fortement impressionné par les talents de pêcheur de Llefry, capable de capturer un poisson au harpon en lançant l’arme jusqu’à cinq mètres de la pirogue, Julien a voulu tenter l’expérience.
Après avoir filmé une dizaine de tentatives de pêche au harpon par Ju, je vous avoue avoir abandonné la partie. Et c’est précisément lorsque j’ai déposé l’appareil photo qu’il a sorti son plus beau lancer et a capturé un poisson-chat d’une taille honorable. Mission réussie !
Pendant ce temps, je lavais et vidais les poissons, avant de les cuisiner avec Llefry selon des méthodes sans cesse différentes (ce qui n’était pas sans me rappeler les épisodes de pêche familiale d’il y a une vingtaine d’années à Sivry).
Je pense que nous aurions pu rester dans la Selva quelques jours supplémentaires sans épuiser notre curiosité et notre émerveillement permanents. Mais il n’y a pas que dans la Selva que notre soif de découvertes peut être étanchée. De retour à Lagunas, Llefry nous a emmenés dans une fête locale afin de nous faire goûter la chicha de Yuca (manioc). Nous en avions parlé durant notre séjour en forêt et en avions fait un sujet de plaisanterie entre nous : cap ou pas cap de boire cette chicha, préparée de manière très particulière ? Cap ! Et pourtant, le mode de préparation ne fait pas rêver : les femmes mâchent le manioc pour l’assouplir, avant de le recracher dans une casserole où marinent l’eau et les épices. On laisse ensuite le tout fermenter quelques jours, avant de le servir à volonté dans des fêtes populaires.
Notre présence à une de ces fêtes est loin d’être passée inaperçue, même si Llefry avait pris soin de nous présenter aux propriétaires. Les hommes défilaient pour demander à Julien s’il acceptait que je danse avec eux. Ces danses ont fourni à Ju le prétexte nécessaire pour sortir l’appareil photo et immortaliser l’ambiance qui régnait sur place. Après deux chichas, et de nombreux refus de danses (sinon, je pense que j’y serais encore), nous avons prudemment quitté les lieux.
Nous avons ensuite quitté Lagunas, et rebobiné le fil des transports empruntés une petite semaine plus tôt : bateau, « collectivos » (camionnette véhiculant 18 personnes serrées comme des sardines, plus le conducteur) et bus.
Direction : Chachapoya. Nous nous rapprochons de la frontière équatorienne, que nous traverserons d’ici quelques jours. Le temps de visiter un dernier site pré-hispanique au Pérou.
Le lever du jour ne se fait jamais autant attendre qu’en arrivant dans un terminal de bus aux petites heures. Nous devons en effet patiemment attendre que la ville se réveille, que les rues s’éclairent et s’animent, afin de s’aventurer à l’extérieur.
Heureusement pour nous, Trujillo s’est réveillée avec les premiers rayons du soleil. A 6h du matin, nous avions l’impression qu’une bonne partie de la ville s’était donné rendez-vous sur le rond-point voisin au terminal pour y prendre son petit-dejeuner. Pris dans la mouvance, nous nous sommes assis devant une des gargotes pour avaler un jus de quinoa chaud, et quelques sandwichs à la tortilla.
Notre arrivée sur la Plaza de Armas a été saluée en musique, par un orchestre espagnol qui se produisait à l’air libre.
Le directeur du musée archéologique de Trujillo se cachait parmi les spectateurs. Amoureux de la Belgique, où il a voyagé, il tenait absolument à nous faire une faveur. Sortant un bout de papier de sa poche, il a rédigé un petit mot à l’attention de la secrétaire du musée: « Patricia, ces deux personnes sont mes amis. Ne leur fait pas payer de droit d’entrée ». Incrédules, nous avons emporté le papier et l’avons présenté, deux heures plus tard, à la jolie brune qui se tenait à l’entrée du musée. Bingo: Patricia nous a fait un grand sourire entendu en nous indiquant la première salle.
Julien a craqué pour le premier crâne « dreadeux » de l’histoire. Retournera-t-il à ses tendances capillaires d’adolescent?
Après avoir parcouru la théorie dans le musée, nous sommes passés à la pratique: la visite de Huaca del sol (de loin) et Huaca de la luna (de l’intérieur). Ces deux sites appartiennent à la civilisation Moche, qui peuplait la région du IIème au VIIIème siècle. Si la civilisation n’a pas eu beaucoup de goût pour choisir sa dénomination (en français du moins), elle s’est rattrapée sur la qualité de ses bas-reliefs polychromes.
Tous les 100 ans, les Moches rehaussaient leur centre de culte (le Huaca de la Luna), en remblayant les cavités du palais précédent pour construire la nouvelle battisse par-dessus. Durant leurs fouilles, les archéologues ont ainsi mis à jour pas moins de cinq niveaux de construction, décorés de manière identique, de siècle en siècle, par des représentations de la divinité de la montagne.
Le contenu de plusieurs tombes découvertes dans les environs enrichit par ailleurs un musée au pied des Huacas. Les photos y étaient cependant interdites, ce qui vous épargne de plus longs développements (ouf!). Notre photographe s’est par contre attardé sur les chiens sans poil qui peuplent le site. Ils auraient été utilisés comme bouillotte durant les froides nuits d’hiver (info ou intox? Impossible à vérifier…).
A quelques dizaines de kilomètres de là, un autre musée nous a introduit à la culture Chimu, qui succéda à la civilisation des Moches. Chan Chan, située dans les faubourgs de Trujillo, était la capitale des Chimus, et la plus grande ville précolombienne des Amériques construite en adobe (sorte de briques de sable).
On en retient surtout le palais Tschudi, le seul à avoir été restauré (parfois à l’excès… les archéologues voulant faire mieux que l’original).
D’autres sites mineurs sont perdus dans les campagnes environnantes. En jouant à Pekin Express avec pas moins de 4 mini-vans, nous avons exploré l’ensemble des ruines Chimus de la région.
De retour à Trujillo, nous avons retrouvé la place d’armes. Les rues du centre sont bordées de maisons coloniales qui rivalisent de beauté. Et pour renforcer la compétition, certaines d’entre elles ont été acquises par des banques et transformées en musée. Une belle façade pour ces institutions financières!
Le temps d’en faire le tour, la nuit était tombée.
Il était l’heure de retrouver notre cuisinière… derrière son échoppe de hamburgers. Elle a su fidéliser sa clientèle, puisqu’en deux jours à Trujillo, nous avons soupé à deux reprises sur son bout de trottoir. De quoi nous remplir l’estomac, et les méninges, avant de prendre la route pour Chiclayo.
Notre halte à Chiclayo était en effet assez intellectuelle: à peine arrivés dans la ville, nous avons pris un taxi partagé pour le musée Tumbas Reales de Sipan. Il contient les richesses découvertes dans les tombes de la Huaca Rajada en 1987 (cette fois, c’est mon heure -année- de gloire). Elles sont exposées sur par moins de trois étages, dans leur ordre de découverte. La particularité du musée, outre les objets qu’il présente, est de fournir de nombreuses explications sur le travail des archéologues, qui est d’ailleurs toujours en cours: d’autres tombes du complexe attendent d’être fouillées.
Après avoir avalé tant d’informations, nous avons sérieusement besoin de nous aérer l’esprit. Lagunas, notre prochaine destination, est idéale: située à l’entrée d’une réserve naturelle, elle constitue une excellente base pour explorer la jungle environnante.
Il y a plus d’un mois et demi, nous avions rencontré des randonneurs dans les rues de La Paz, en Bolivie. Sur un bout de trottoir, nous avions échangé nos bons plans rando. Un trek semblait alors incontournable au Pérou : le Santa Cruz, dans la Cordillère blanche.
Nous avons rapidement découvert la raison pour laquelle nous avons entendu parlé du Santa Cruz en dehors des frontières du Pérou : cette randonnée est super connue, et le trek en lui-même est très touristique. Les grosses villes environnantes sont donc des repères de randonneurs truffés d’agences de voyage, ce que nous abhorrons.
Nous avons donc posé nos sacs à dos à Caraz, une ville « point de départ » plus petite que ses voisines. Le jardin d’un petit hôtel a accueilli notre tente pour quelques Soles, la monnaie locale. Reculés dans notre cocon, nous avions une cuisine, des chaises longues et des arbres fruitiers à disposition. Un camping de luxe, en somme !
Notre préparation de trek est à présent bien rodée : en moins d’une demi journée, nous pouvons nous procurer les vivres et le matériel nécessaires pour vivre quatre jours en autonomie. Notre lieu de prédilection pour faire nos achats ? Le marché local.
C’est sur le marché que nous avons rencontré Suzanna, une mamita d’une soixantaine d’années qui tenait une échoppe de snacks et de jus de fruit frais. Dès les premières minutes, la patronne nous a adoptés. Les larmes aux yeux, elle nous relatait les tremblements de terre qui ont dévasté la région, et sa vie. Lorsque nous sommes revenus manger une de ses « papas enroladas » pour la seconde fois en une journée, nous faisions définitivement partie de la famille. Suzanna nous a présenté sa fille, ses petites-filles, et nous a fait promettre de venir lui dire bonjour avant de partir pour le trek (qui semblait être une folle aventure pour elle).
Chose promise, chose due, nous sommes passés par le marché avant de nous mettre en route pour les montagnes. Suzanna nous attendait, avec un pack pique-nique (pains et bananes à profusion). Impossible de payer quoi que ce soit, c’était un cadeau. « Et vous viendrez me voir à votre retour à Caraz, après le trek » (traduction de son espagnol tremblant)? Nouvelle promesse : Oui, nous viendrons.
C’est donc super équipés que nous avons rejoint Cashapampa pour prendre les chemins du Santa Cruz. Moins de cent mètres après l’entrée du site, un Allemand attendait, seul, sur un muret. Il nous a rapidement demandé s’il pouvait marcher avec nous. Nous avons naturellement répondu par l’affirmative. Les heures et jours suivants ont révélé que Thomas ne marchait pas « avec nous », mais « derrière nous », en permanence. Un rapide calcul nous a permis de réaliser que, durant notre premier mois au Pérou, nous avons passé la moitié de nos nuits en trek. Nous avions donc un sacré entraînement, et des journées de marche de 5 à 6h, comme prévu pour le Santa Cruz, ne nous demandent pas d’efforts surhumains, en dépit de l’altitude. Pour autant, nous n’avons pas laissé tomber Thomas et, tels la tête d’un peloton au tour de France, nous avons fendu le vent et tracé la route durant quatre jours, pour lui faciliter la tâche.
La randonnée était plaisante. Le premier jour, nous avons remonté le cours de la rivière.
Les paysages, totalement différents de ceux que nous avions parcourus jusqu’à présent, étaient bucoliques à souhait.
Durant la seconde journée, nous avons parcouru d’immenses plaines en remontant dans la vallée.
Étant plus rapides que prévu, nous avons fait un détour par un lac, situé au creux d’une montagne voisine, avant de revenir camper dans la vallée. D’expérience, nous craignions de dormir en trop haute altitude : le froid nous guette une fois le soleil couché.
L’étape la plus difficile du Santa Cruz se concentre sur la troisième journée. Nous devions escalader un col culminant à 4750m d’altitude.
Difficile pour nous de ne pas comparer l’exercice à l’Ausangate, qui nous a tant plu. Si l’ascension est jolie, les paysages ne détrônent pas ceux qui nous ont définitivement charmés à l’Ausangate. D’autant plus que nous avons rencontré des dizaines et des dizaines de touristes à l’approche du col, ce qui entache un peu la magie des lieux (qui restent majestueux, sans conteste).
S’en est suivie une descente sans fin jusqu’à la rivière, à coté de laquelle nous avons campé.
Le lendemain, en quelques heures de marche, nous sommes ressortis de la réserve.
Le coté touristique du Santa Cruz était ici évident : les enfants des villages, plutôt que de fréquenter l’école flambant neuve qui trône sur la place principale, mendient auprès des touristes.
Nous avons accéléré le pas, vers le dernier village du parcours.
Après un ultime dîner cuisiné au réchaud, le long de la route, nous avons embarqué à bord du « combi » (camionnette) d’une agence qui venait de déposer des marcheurs prêt à parcourir le Santa Cruz dans le sens inverse du nôtre. Nous avons apprécié le confort du transport, et la vue qui s’offrait à nous, durant les trois heures qui nous séparaient de Caraz.
De retour dans la ville, nous avons honoré notre promesse : nous avons rendu visite à Suzanna, au marché. Ne sachant comment la remercier pour ses attentions, nous lui avons apporté un petit cadeau : une photo de nous trois, imprimée par le photographe du coin. Pour maîtriser ses émotions, Suzanna s’est lancée dans la préparation d’un nouveau jus de fruit frais et d’un cake qu’elle nous a offert de bon cœur. Nos verres, une fois vide, ont été immédiatement remplis par ses soins. A nouveau, il était impossible de porter la main au portefeuille. Nous avons plaisanté sur la rentabilité de son échoppe. Mais il ne s’agissait pas de rentabilité. Nous faisions partie de sa famille d’adoption.
Après un dernier passage chez le glacier (ce qui porte le nombre de glaces avalées par Julien à 5, sur deux jours !), nous avons acheté nos tickets de bus de nuit, pour Trujillo. Pour la première fois, nous avons un « service à bord » du bus. Une hôtesse courtement vêtue, perchée sur des talons aiguilles à faire pâlir les randonneurs que nous sommes, nous a servi un snack et des boissons.
Après tant de confort et d’attentions, l’arrivée à Trujillo a été plutôt violente : lâchés à 4h30 dans le noir complet, nous avons rejoint, encore endormis, les bancs du terminal de bus, en attendant le lever du soleil.
Pour nous, Abancay signifait « retour à la civilisation après 4 jours de trek et d’autonomie alimentaire ». Du coup, on a visité la ville comme des gastronomes : dîner au marché, puis glaces, jus de fruit, biscuits… (nous, en manque de sucre ? Jamais!).
Et le soir, nous avons remis ça, avec une gelée de fruits chaude qui colle aux dents. Si ma description ne fait pas rêver, le résultat dans la bouche est plutôt satisfaisant.
Nous avons ensuite pris un bus pour Ayacucho (deux bus, en réalité, pour un total de 8h de trajet) pour ne pas être bloqués à Abancay pour cause de surpoids.
Ayacucho est une jolie petite ville, perdue dans les Andes.
Profitant de cet éloignement géographique (la première route asphaltée vers Lima ne date que de 1999!), le groupe terroriste du « sentier lumineux » y a fait beaucoup de dégâts. Ce mouvement révolutionnaire qui visait à renverser le gouvernement provoqua des milliers de morts dans la région. Nous avons visité le musée de la mémoire pour mesurer l’ampleur du conflit interne qui a animé le Pérou durant près de vingt ans (de 1980 à 2000).
Aujourd’hui, la ville est on ne peut plus sure, mais les touristes la boudent. Du coup, nous y avons d’autant plus accroché!
Décrite comme la capitale du folklore, nous y avons croisé par hasard deux processions religieuses (avec fanfare, pétards artisanaux et autres manifestations sonores), et un enterrement tout aussi bruyant. Il est apparemment coutumier de bloquer des rues entières, voire un quartier, pour laisser passer une procession dont nous étions les heureux témoins.
A Ayacucho, nous avons renoué avec l’odeur de la pluie sur le sol sec.
La météo était cependant en corrélation avec l’amabilité des Péruviens : plus le ciel se montrait menaçant, plus les Péruviens étaient amicaux. Au point de nous tenir la jambe durant plusieurs dizaines de minutes au mirador, en tentant tant bien que mal de communiquer en espagnol… et lorsque l’un partait, d’autres arrivaient, tous curieux de notre passage dans la ville.
Cette fois, ça y est, nous avons acheté le fameux ticket de bus pour Lima. Une société locale nous a fait une superbe offre : nous allons voyager en bus cama (lire : sièges en cuir, qui s’inclinent jusqu’à une position quasi-couchée, avec chauffage et couverture).
Une première en plus de deux mois de voyage en Amérique du Sud. Nous allons goûter au luxe, et peut-être passer une nuit reposante en bus!